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les soins de la reine ramenèrent enfin un peu de calme dans l’esprit du roi. Ils le décidèrent à surseoir à ses résolutions extrêmes et à se laisser guider par leurs avis. Prenant les devans, le prince revint à Honolulu, où la nouvelle du meurtre commis était l’objet de tous les commentaires. Il réunit le conseil privé, exposa les faits, les remords du roi, son désir d’abdiquer, sa résolution bien arrêtée de s’y opposer et de refuser la régence. Il invita le conseil à joindre ses efforts aux siens pour ramener le roi à une appréciation plus saine de la situation. Son dévoûment, son affection pour son frère, la sympathie que Kaménaméha IV inspirait à tous, provoquèrent des manifestations publiques, des adresses dans lesquelles on invitait le roi à ne pas se démettre de ses fonctions. A Lahaina, la reine s’efforçait de relever son courage et secondait de son mieux le prince Lot. Elle montrait à Kaméhaméha IV l’expiation dans l’accomplissement de ses devoirs de père et de souverain, dans le bien qu’il pouvait encore accomplir, elle faisait appel à ses sentimens religieux. Les adresses qu’il reçut l’émurent et il revint à Honolulu, où son frère l’attendait, profondément repentant, résolu à racheter les écarts de sa vie passée et à justifier la confiance et l’affection de ses sujets.

Dès son retour, il s’en expliqua nettement devant le conseil privé, fit, sans rien atténuer, l’aveu de ses excès et de son crime, proclama son fils héritier du trône en cas de décès, désigna la reine comme régente, et confirma son frère son successeur an cas où le prince de Havaï viendrait à mourir sans héritiers. Puis, reprenant une idée de son ancêtre Kaméhaméha Ier, il écrivit en Angleterre pour solliciter l’établissement, dans ses états, d’une branche de l’église réformée, l’envoi d’un évêque et d’un clergé anglican. Sa nature imaginative s’accommodait mal des formes ascétiques du culte méthodiste, mais, élevé dans la religion protestante, il répugnait à l’adoption du catholicisme. La liturgie et les cérémonies du High Church, fort en faveur en Angleterre, le séduisaient. De son côté, la reine, anglicane elle-même, désirait vivement l’établissement d’une église avec laquelle elle fût en parfaite communion d’idées. Tous deux enfui se proposaient de confier à l’évêque dont ils demandaient l’envoi l’éducation du jeune prince. Kaméhaméha IV appuyait sa demande de l’offre d’un terrain pour l’érection d’une église et d’une souscription annuelle assez considérable pour défrayer en grande partie les dépenses du nouveau cierge. Cette demande, bien accueillie en Angleterre, fut prise eu sérieuse considération. Kaméhaméha IV s’occupa lui-même de tout préparer pour l’installation de cette mission, et se plongea dans l’étude et l’examen des questions théologiques avec l’ardeur qu’il mettait