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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/165

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où, les hostilités terminées, la diplomatie aurait à régler la question des Provinces-Danubiennes. l’Europe, assurait-on au cabinet d’Athènes, considère l’hellénisme comme le facteur de l’Occident contre les ambitions slaves ; elle entend donc obtenir en faveur de l’hellénisme autant que la Russie obtiendra en faveur du slavisme. Confiante en ces promesses et répugnant d’ailleurs à passer pour l’instrument de la Russie, la Grèce s’abstint de toute agression. La guerre resta localisée dans le nord de la Turquie.

Cependant les Russes arrivèrent aux portes de Constantinople. Un armistice fut conclu, bientôt suivi d’un traité de paix par lequel les plus grands avantages étaient faits aux populations slaves. La Russie n’avait point naturellement à invoquer les droits des Grecs, à qui elle était même en droit de garder rancune pour leur refus de concours. Moins que jamais, la Russie pouvait envisager avec faveur les progrès de l’hellénisme. À Athènes, d’autre part, la prévision d’un armistice prochain avait paru modifier le langage des représentans des puissances occidentales. La guerre allait prendre fin sans que les Grecs s’y fussent mêlés. Satisfaite de ce résultat, qui était un succès pour elle, la diplomatie ne demandait rien davantage. Elle ne semblait plus disposée à appuyer les revendications helléniques. Les questions à débattre dans un congrès n’étaient-elles pas déjà assez graves et assez compliquées ? Puisque « l’hellénisme s’était oublié, » — le mot fut prononcé, — était-ce aux puissances de se substituer aux Grecs pour faire valoir ses droits ?

Dans ces conjonctures, les très légitimes protestations de la Grèce seraient sans doute restées sans effet. Il fallait un acte d’énergie. Le gouvernement hellénique ne balança pas. Dès les premiers jours de février 1878, au moment même où l’on signait à San-Stefano les préliminaires de la paix, un petit corps grec franchit la frontière de Thessalie, se dirigeant sur la place de Domoco, occupée par une garnison ottomane. Mais à peine la nouvelle fut-elle télégraphiée au quai d’Orsay et au foreign office que la France et l’Angleterre intervinrent. Elles exigèrent le rappel immédiat de l’armée grecque. Par compensation, elles promirent que la Thessalie et l’Épire seraient considérées par le congrès qui allait se réunir comme en état d’insurrection. Les plénipotentiaires auraient donc à s’occuper des populations grecques de la Turquie, qui seraient traitées sur le pied des populations slaves. La Grèce ne lit pas difficulté de rappeler ses troupes. Elle avait voulu seulement rappeler la France et l’Angleterre à leurs engagemens ; elle y avait réussi.

Le 1er avril 1878, le marquis de Salisbury adressait aux représentans de la Grande-Bretagne à l’étranger une circulaire par