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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/166

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laquelle il reconnaissait les droits de l’hellénisme et témoignait de la volonté de l’Angleterre de les défendre ; et le 17 juin, à Berlin, il proposa que la Grèce fût admise à prendre part aux délibérations du congrès comme mandataire d’une des deux grandes races soumises à la Turquie. Sa proposition ne fut point adoptée ; du moins, le rôle analogue à celui de la Russie, que lord Salisbury voulait qu'on assignât à la Grèce, fut sensiblement diminué. On le restreignit au droit, pour les plénipotentiaires grecs, d’assister à certaines séances, de présenter des observations et de faire entendre des vœux. En outre, au lieu d’avoir à défendre les intérêts de toutes les populations grecques de l’empire ottoman, MM. Delyannis et Rhangabé durent se borner à s’occuper seulement de celles des provinces limitrophes. Sur ce point, le congrès donna satisfaction à la Grèce. Dans la séance du 5 juillet, il fut décidé, sur la motion de M. Waddington, qu'une rectification de frontières s’imposait au profit du royaume hellénique. La vallée du Salamvrias, sur le versant de la mer Egée, et celle du Kakmas, sur le versant de la mer Ionienne, formeraient la nouvelle limite des deux états. Consignée dans le protocole xiii et ratifiée par l’article 24 du traité de Berlin, cette décision restituait à la Grèce un territoire d’au moins 22,000 kilomètres carrés et une population de plus de cinq cent mille âmes.

En signant le traité de Berlin, la Turquie avait formellement acquiescé à l’article 24, et, par le fait de sa signature, elle avait ôté toute valeur aux réserves que ses plénipotentiaires avaient pu émettre à l’égard de cet article. Il le semblait du moins ; mais ce n’est pas à tort que l’on renomme la diplomatie de la Sublime-Porte. Les Turcs commencèrent par se refuser absolument à entrer en pourparlers, sur la question des frontières, avec les plénipotentiaires grecs. Au lieu de donner des raisons pour expliquer l’inexécution des décisions du congrès, la Porte dressa dans une circulaire un véritable acte d’accusation contre la Grèce. Safvet-Pacha, qui avait signé le factum, s’attira cette réponse du ministre des affaires étrangères de France : « La circulaire du 8 août ne se borne pas à repousser le programme développé par M. Delyannis ; elle écarte avec aussi peu de ménagemens les vœux beaucoup plus modestes exprimés par l'Europe dans un sentiment de conciliation. » Sous la pression des puissances, la Turquie se décida, vers la fin de 1878, à désigner des commissaires chargés, de concert avec des commissaires grecs, de délimiter sur les lieux la nouvelle ligne frontière. Le 6 février, une première conférence eut lieu à Prévéza, à l’entrée du golfe d’Arta ; le 19 mars, les commissaires grecs rompirent les pourparlers. Ils avaient mis une extrême patience à discuter pendant si longtemps