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une note collective, que « l’Europe ne pouvait accepter aucune discussion sur le tracé de la frontière, » M. Barthélémy Saint-Hilaire assurait, le 24 décembre, que « la délimitation fixée par la conférence de Berlin était faite afin de servir de base à la reprise des pourparlers. » Pour contraindre la Turquie à se soumettre aux décisions de la conférence, dont la France et l’Angleterre avaient pris l’initiative, il fallait l’entente complète de ces deux puissances. Le cabinet de Paris, abandonnant soudain toute politique d’intimidation à l’égard de la Turquie, le Foreign-office se trouva en partie désarmé. Il ne pouvait plus songer à une démonstration analogue à celle de Dulcigno, projet dont il avait été question au mois de juillet. l’Angleterre toutefois ne se prêta qu'à contre-cœur à la transaction intervenue plus tard. « Le gouvernement de la reine, écrivait, le 30 mars 1881, lord Granville à M. Goschen, ne peut pas dire que l’arrangement concerté entre les représentans des puissances soit tel qu'il l’eût accepté s’il eût agit seul. »

Les Grecs cependant, se voyant abandonnés, allaient désespérément engager la guerre. Cette guerre, qui devenait imminente, peut-être la Turquie la désirait-elle, certaine d’écraser les Grecs. Mais les puissances, qui redoutaient les dangers d’un conflit en Orient, voulaient un arrangement, si mauvais qu'il fût, si précaire qu'il pût être. Encore une fois elles arrêtèrent les Grecs par des conseils et des promesses. Une proposition d’arbitrage ayant échoué (la Turquie ne voulut l’accepter que sous la garantie qu'il déciderait en sa faveur !) l'Allemagne mit en avant l’idée de pourparlers à engager à Constantinople entre les représentans des six puissances et des délégués ottomans. Ces négociations, qui furent des plus laborieuses, car les Turcs prétendaient d’abord ne céder qu'une bande de territoire de 4 kilomètres de largeur, aboutirent à un compromis. La Turquie gardait l’Épire grecque presque tout entière et la fertile contrée qui s'étend entre le Salamvrias et l’Olympe. Cette convention, acceptée par la Grèce, dont une si longue attente, tant de vaines promesses et d’espoirs déçus avaient énervé la volonté, la Turquie mit encore bien des retards à la remplir. Ce fut seulement pendant les mois de juillet à novembre 1881 que les Grecs purent prendre possession de la moitié des pays dont la totalité leur avait été assignée au mois de juillet 1878. La Grèce avait attendu trois ans, dans une paix armée ruineuse, l’accomplissement des promesses de la France et de l'Angleterre, que dis-je? L’exécution des décisions de l’Europe! Et, au lieu de recevoir un territoire de 22,000 kilomètres carrés et une population de plus de 500,000 individus, la Grèce voyait sa frontière s’étendre de 13,000 kilomètres à peine, et son peuple s’augmenter de 300,000 Thessaliens. Janina, foyer de l’hellénisme, restait aux Turcs.