Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ruine et le carnage. Ils ne savent pacifier qu'à coups de sabre. Les massacres de Bulgarie en 1876, les massacres de Thessalie en 1877, témoignent que les Ottomans n’ont point renoncé aux procédés de 1821.

Entre la Grèce et la Turquie, la lutte sans doute serait inégale. Mais, outre que le feu de la guerre peut s’étendre dans tout l’Orient, la Grèce n’est pas précisément une « quantité négligeable. » 80,000 hommes sont prêts à entrer en campagne, et dès aujourd'hui le gouvernement possède l’argent nécessaire à l’entretien de ces troupes pendant toute l’année 1886. Comme armée de deuxième ligne, la Grèce mobilisera le second ban de la réserve, soit 40,000 hommes, et il lui restera à appeler la territoriale entière, qui compte 100,000 hommes. l’argent, l’état je trouvera dans l’emprunt de 100 millions voté à la chambre le 15 décembre dernier. Quant aux troupes turques qui sont actuellement en Europe, on les peut évaluer à 200,000 hommes. La Turquie manque d’argent pour mobiliser ses réserves. Les soldats turcs ont la merveilleuse faculté de marcher et de combattre sans solde et sans vivres; mais encore faut-il leur donner de bonnes armes et des munitions. Au reste, comme la Turquie s’imagine avoir facilement raison des Grecs, elle n’appellera pas les rédifs au début des hostilités. La flotte grecque, qui compte seulement trois cuirassés, une douzaine de navires de divers rangs en bois et en fer, et une escadrille de canonnières nouvellement construites, est inférieure par le nombre à la flotte ottomane, encore que celle-ci soit fort affaiblie; mais les grandes qualités nautiques des matelots grecs et l’instruction de leurs officiers compenseraient, et au-delà, la supériorité numérique. De plus, il existe aujourd'hui un terrible engin de destruction qui semble avoir été créé tout exprès pour les neveux des inventeurs du feu grégeois, pour les fils des hardis brûlotiers de 1821. c’est le torpilleur. La Grèce a près de soixante torpilleurs qui porteront le ravage au milieu de la flotte ottomane. Les officiers de la marine hellénique n’appréhendent qu'une seule chose, c’est que les gros cuirassés turcs n’osent pas s’aventurer en pleine mer. Mais, à l’exemple des barques de Canaris, ces brûlots singulièrement perfectionnés, qui s’appellent les torpilleurs, iront les surprendre en rade. Sur terre, au contraire, les Grecs trouveront dans les Turcs les plus redoutables adversaires : indifférens à la mort, solides au feu et merveilleux remueurs de terres. Les Grecs le savent. Ils savent aussi qu'en Épire comme dans la Haute-Thessalie, en Phocide comme en Etolie, il est facile d’éviter les grandes batailles rangées, de multiplier les combats partiels, les coups de main, les embuscades.