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maudire. » Les réformes inaugurées par M. Duruy et les fondations auxquelles M. Jules Ferry a attaché son nom répondaient à un besoin nouveau. c’est un composé bizarre et fort hétérogène qu’un pays où l’homme et la femme représentent deux âges différens de l’humanité, et où l’enfant ne sait à qui entendre de son père ou de sa mère.

À l’époque de la renaissance, Érasme et Vives demandaient déjà que les femmes fussent initiées à certains genres d’études afin qu’elles ne vécussent pas dans une société transformée, comme des étrangères qui, n’entendant point la langue du pays, regardent, s’étonnent et ne comprennent rien à ce qui se passe autour d’elles. Après la renaissance est venue la révolution, et la révolution, la philosophie, les sciences naturelles, ont profondément modifié toutes les habitudes de notre esprit. La société civile n’a plus rien de commun avec la société religieuse, et la foi au surnaturel, aux livres à prodiges, n’exerce qu’une très faible influence sur nos actions et point du tout sur nos lois. Les supranaturalistes du temps présent font de grandes concessions à leurs adversaires ; ils se replient sur leurs forteresses comme une armée qui n’est plus en état de tenir la campagne. Ils cantonnent le miracle dans un coin de l’espace et du temps, ils admettent qu’il y eut autrefois un petit pays montagneux que Dieu s’était réservé pour le gouverner directement, qu’il s’y est passé beaucoup de choses extraordinaires, que le soleil s’est arrêté sur Gabaon et la lune sur Ajalon ; mais ils croient aussi que depuis lors la lune a toujours tourné consciencieusement autour de la terre en 27 jours 7 heures 43 minutes, que tout est rentré dans l’ordre, que désormais tout relève du sens commun.

On assure que l’éducation qui se donne dans les couvens s’est fort perfectionnée. Mais les couvens sont toujours des couvens. Le père La Chaise, qui n’était pas suspect dans ces matières, disait qu’il importait « de donner à l’état des femmes bien élevées, et que les jeunes filles sont mieux élevées par des personnes tenant au monde. » Les religieuses sont malhabiles à enseigner certaines choses, et il en est d’autres qu’elles enseignent trop volontiers. Il est écrit, dans un catéchisme de persévérance, que le protestantisme a pour principe la convoitise du bien d’autrui et l’amour des plaisirs de la chair, qu’il autorise ses adeptes à faire tout ce qui leur plaît, et que Jean Calvin est mort d’une maladie honteuse. Si la jeune fille a compris, plaignons-la ; si elle n’a pas compris, il faut plaindre ceux qui sont chargés de répondre à ses questions et de lui fournir des éclaircissemens. « Rien n’est fait dans le monde, a dit M. Renan, que quand l’homme et la femme mettent en commun l’un sa raison, l’autre son obstination et sa fidélité. » l’église voudrait se servir de la fidélité obstinée de la femme pour s’assujettir l’indocile et superbe raison de l’homme,