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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/345

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administratif. Faut-il s’étonner que l’œuvre renferme maintes contradictions ? Voici quelques-uns des maux pratiques qui résultent des lois organiques qu’on nous a données.

« Sous le régime turc, la province actuelle de la Roumélie orientale était divisée en deux sandjaks (départemens), contenant quatorze casas ou cantons : nous n’avions donc que deux préfets et quatorze baillis à entretenir. Le système français dont on nous a dotés a divisé la province en six départemens et vingt-huit cantons. Nous avons donc 6 préfets, 6 conseils généraux, 6 secrétaires, de préfecture, 28 baillis, 28 commandans de gendarmerie, 28 commissaires de police, etc. Le fonctionnarisme nous a envahis. Un village qui s’administrait entièrement lui-même, sans aucun représentant de l’autorité, est devenu un chef-lieu de canton où résident une escouade de fonctionnaires de tout grade et de tout genre. Il suffisait de supprimer les employés turcs, qui nous volaient : nous aurions eu l’autonomie locale, comme aux États-Unis. d’un autre côté, il aurait fallu nous donner des receveurs des contributions. L’article 212 du statut décide que « les maires sont chargés et responsables de la rentrée exacte des impôts, » et l’article 185, stipule « que les maires sont réélus chaque année par les habitans de la commune. » Ces maires, naturellement, cherchent à être réélus et ménagent le plus possible leurs électeurs. Ils font donc très mal rentrer les revenus de l’état. Les arriérés sont considérables : chaque année environ 20 pour 100 des recettes. Ils s’élevaient à 17 millions de piastres au 31 juillet 1883. Ces mêmes maires sont aussi juges de paix, de par l’article 248. Comme ils sont incapables de trancher les différends, ceux-ci sont portés directement devant les juges de canton, lesquels se trouvent ainsi accablés de besogne ; on n’arrive pas à obtenir justice, ce qui cause beaucoup de mécontentement. Tout cela devrait pouvoir être réglé par notre assemblée, et en raison de notre situation particulière. Le statut nous a enveloppés, comme une momie d’Egypte, d’un réseau de bandelettes très agréables à l’œil, mais qui nous condamnent à l’immobilité. »

— On me donne quelques renseignemens sur les partis. Pendant les deux premières années du régime autonome, il y a eu lutte des nationalités, mais les Bulgares n’ont pas eu de peine à l’emporter et à occuper la plupart des places. Depuis lors, ils se sont divisés en deux partis : les « libéraux » ou gouvernementaux modérés, et les « nationaux ou unionistes, » partisans d’une politique plus décidée. La question qui les divise est la politique à suivre pour obtenir la réunion des deux fragmens de la Bulgarie, si malheureusement séparés par le traité de Berlin. Les deux groupes sont, d’accord pour désirer la réunion, de même que tous les Bulgares. Lors du