qui les rattachaient à la Prusse. Il avait déclaré le Zollverein dissous par le fait de la guerre et s’était réservé, dans une pensée facile à saisir, la faculté de les exclure de l’union douanière, à bref délai, suivant son bon plaisir, en suite d’une simple dénonciation semestrielle. C’est avec cette épée de Damoclès, suspendue sur la tête des gouvernemens du Sud, qu'il comptait avoir raison de leurs dernières résistances. Le Zollverein était pour eux une question d’existence, ils en retiraient pour l’alimentation de leur budget les ressources les plus importantes. Ce n’était pas au moment où ils avaient à payer des contributions de guerre et à recourir à des emprunts pour satisfaire aux exigences du vainqueur qu'il leur était permis de discuter la légalité de la dénonciation que le cabinet de Berlin s’était réservée, et de protester contre la violence qui leur était faite. Ils auraient pu, il est vrai, s’entendre, pour constituer entre eux une association douanière séparée. Mais, indépendamment du contre-coup qu'une résolution aussi grave n’eût pas manqué d’exercer sur leurs finances et leur industrie, ils se seraient trouvés en face d’obstacles géographiques presque insurmontables, depuis que la Prusse avait refait la carte de l’Allemagne à son profit.
Telle était la situation que les événemens de 1866 avaient faite aux cours du Midi. Le Cyclope consolait Ulysse en lui disant qu'il serait dévoré le dernier: c’est la consolation que leur laissait le comte de Bismarck. Leur sort n’était pas enviable. Privées par la dissolution de la Confédération germanique des points d’appui qu'elles étaient habituées à trouver à Vienne et à la diète de Francfort, elles étaient entraînées à la dérive sans direction, sans plan de conduite, se méfiant les unes des autres, en proie à leurs jalousies traditionnelles, au point de préférer subir la tutelle de la Prusse plutôt que de constituer une union indépendante qui aurait pu assurer à la Bavière une situation prépondérante. D’ailleurs le grand-duc de Hesse faisait déjà partie pour un tiers de la Confédération du Nord, et le grand-duc de Bade, sous l’influence du roi Guillaume, son beau-père, était le dissolvant naturel pour faire échouer toutes les tentatives d’une confédération séparée avec un parlement fonctionnant parallèlement avec celui du Nord. Au fond ces cours spéculaient secrètement sur une entente entre la France et l’Autriche pour les relever de leur abaissement. C’est avec leur aide, sans oser ouvertement l’invoquer, de peur d’ameuter les passions populaires, qu'elles espéraient reconquérir un jour leur indépendance[1].
- ↑ Dépêche d’Allemagne. — « Depuis la confédération du Rhin, a dit M. de Dalwigh, les petits états avaient vu dans la France une protectrice intéressée peut-être, mais sûre. La guerre désastreuse de l’an dernier les a mis à la merci du cabinet de Berlin. Nous savons que les concessions que nous avons dû faire à M. de Bismarck sont un large pont jeté sur le Mein, un acheminement marqué vers l’unité. Nous n’avons aucune confiance dans sa bonne foi, la situation qu'il nous a faite n’est pas tenable, et, à moins d’une intervention victorieuse de la France et de l’Autriche, nous serons forcés d’entrer dans la Confédération du Nord. Bade ne demande qu'à être étranglé, le Wurtemberg le sera malgré lui ; il n’y a que la Bavière qui conservera une ombre d’indépendance. M. de Bismarck, il est vrai, a déclaré hautement qu'il ne nous demanderait pas de nouveaux sacrifices; mais, lorsque j’ai voulu prendre acte de ses paroles, les considérant comme une renonciation à l’idée de faire entrer Hesse-Darmstadt dans la confédération du Nord, il m’a fait entendre que j’exagérais la portée de ses déclarations. Il a ajouté : « Quand le moment viendra, nous saurons ce que nous aurons à dire à l’Autriche; quant à la France, nous l’attendrons, nous sommes prêts. » Ce langage, a dit M. de Dalwigh, M. de Bismarck me le tenait la veille du jour où il partait pour Paris avec le roi. Il ne l’eût pas tenu, sans doute, s’il croyait à votre supériorité militaire, mais ici tout le monde affirme que votre armée est en mauvais état et qu'on aura l’avantage sur vous. »