Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
BOURGEOISIE FRANÇAISE
PENDANT LA RÉVOLUTION


I.

Quand on ouvre l’Almanach royal de l’année 1788, on est étonné de voir que les premiers rangs du tiers état sont en possession de toutes les fonctions civiles, en dehors des charges de cour, des gouvernemens de province et des grades militaires. Offices de judicature et de finance, à tous les degrés, intendances, conseil d’état, bureaux des ministères leur appartiennent. En s’enrichissant par le négoce, les bourgeois ont créé les capitalistes et les financiers. Par l’importation en France du système des fermes générales, ils ont été chargés du recouvrement des impôts ; ils font des avances au Trésor et prennent de jour en jour, dans toutes les affaires de l’état, une influence prépondérante. Depuis Henri IV, l’élévation de la bourgeoisie avait été constante. De plus en plus confiante dans sa capacité, dans ses lumières, dans sa valeur sociale, elle pénétrait tous les jours dans les régions désormais ouvertes du pouvoir et du beau monde. Pendant qu'en politique le gouvernement restait stationnaire et semblait voué à l’immobilité et à la faiblesse, la haute bourgeoisie développait ses richesses, ses forces, son activité intellectuelle. Elle était, à certains égards, beaucoup plus éclairée à la fin du dernier siècle que de notre temps. Le règne de Louis XVI avait correspondu au développement d’une grande prospérité commerciale et industrielle. Rajeunissant le vieux Paris par ses hôtels à somptueuses façades, peuplant les environs de maisons de campagne élégantes, réhabilitant par l’encouragement des arts une fortune rapidement acquise, les bourgeois opulens se laissaient