le marché, accepte et même recherche la collaboration de places commerciales secondaires. L’importance qu’elles peuvent acquérir élargit son rôle au lieu de le diminuer. Elle doit être plus sensible à l’honneur d’être, au milieu d’un groupe de villes florissantes, le primus inter pares, qu’à l’étroite satisfaction de se détacher seule au-dessus de misérables villages. La marche des événemens, du reste, ne dépend pas de ses préférences.
Il n’est pas besoin d’avoir creusé bien à fond les phénomènes que présentent les contrées vers lesquelles essaime le trop plein des vieilles races pour s’apercevoir qu’elles se développent à peu près comme grossit la boule de neige que roulent des enfans dans la cour toute blanche du collège. Les accroissemens sont longtemps minimes. À partir d’une certaine masse, ils deviennent tout d’un coup surprenans. Les États-Unis étaient une puissance fort modeste au moment de leur indépendance. Il ne semble pas que, durant le premier empire et la restauration, l’Europe y ait beaucoup pris garde et ait supposé qu’avant peu ils auraient dans le monde un certain poids. Quand elle fut amenée à tourner les yeux de ce côté, elle fut étonnée de trouver un colosse là où elle avait laissé un nain. La république argentine, et très particulièrement la province de Buenos-Ayres, ne datent guère que de 1852, car la longue dictature de Rosas forme une solution de continuité dans leurs traditions de développement historique. Elle paraît parvenue au moment où la boule de neige prépare des surprises à ceux qui passent quelque temps sans en surveiller les progrès. Durant la période que nous venons de considérer, l’augmentation annuelle de la population a été, dans la province de Buenos-Ayres (sans parler de la ville, où elle a été plus considérable) de 54 pour 1,000. Elle n’a été que de 30 aux États-Unis. On sait, comme terme de comparaison, qu’elle ne dépasse pas en France 5 pour 1,000. Il ne faudrait pas que cette progression se maintînt longtemps pour arriver à des résultats qui forceraient l’attention des plus distraits. Or rien n’indique que le mouvement soit en train de se ralentir.
Il est manifeste que le docteur Rocha, et il faut l’en louer, a. eu constamment devant les yeux, dans l’élaboration des mesures qu’il a prises, une province deux ou trois fois plus peuplée que celle qu’il avait réellement à administrer. Il doit aimer et cultiver la statistique, et c’est un goût qui se comprend fort bien chez le chef d’un état où les chiffres fournis par elle sont si flatteurs. Rien n’est plus significatif que les chemins de fer qu’il a tracés et qui seront un de ses principaux titres d’honneur. Ceux qui existaient rayonnaient tous de Buenos-Ayres vers l’intérieur des terres. Il a enté sur ce réseau des embranchemens qui, sous couleur de le compléter, en changent entièrement l’esprit et la physionomie. Il a compris