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l'état, et par les prélèvemens suivans sur les autres : 5 pour 100 des legs à des collatéraux, à partir du second degré, 10 pour 100 des legs au-dessus de 1,000 piastres fortes faits à des personnes non parentes, 50 pour 100 des legs faits aux églises ou à des établissemens religieux, enfin par les donations particulières, qui sont fréquentes. C’est un budget royal.

Sous l’influence de cette loi, les écoles primaires se sont multipliées dans la province de Buenos-Ayres. Elles s’y multiplient tous les jours. Au recensement général de 1881, il y en avait 429, dont 285 publiques et 144 particulières. Elles étaient fréquentées par 46,000 enfans de six à quatorze ans. La population enfantine était de 116,000. Cela donne la mesure des efforts qu'il reste encore à faire pour rendre l’instruction universelle. Ce n’en sont pas moins des chiffres fort honorables, si l’on tient compte des immenses régions où les chaumières sont à plusieurs lieues les unes des autres et où l’assiduité des jeunes écoliers est chose impossible, si hardis cavaliers qu'ils puissent être, à peine sortis de la mamelle. A La Plata, en y joignant le bourg de La Enseñada, aujourd'hui englobé dans la capitale, il existe 25 écoles primaires. Comme à Buenos-Ayres, du reste, on leur a construit des bâtimens luxueux. Quand on parcourt les deux villes, la préoccupation assidue dont l’enseignement est l’objet saute aux yeux. C’est sur cette observation favorable que je veux finir cette étude.

En l’écrivant, je me suis peu défendu du sentiment de sympathie que ce pays inspire à ceux qui l’ont habité longtemps. Ne faut-il pas sympathiser avec les gens pour les bien comprendre, et un critique chagrin ne voit-il pas en général plus faux qu'un observateur bienveillant? Il me semble qu'il se dégage de ce tableau, peut-être complaisamment éclairé, mais tracé d’après nature, l’impression d’une nationalité vivace, agissante. Elle est encore en formation, beaucoup d’élémens hétérogènes viennent s’y amalgamer. Il doit suffire, pour que nous nous y intéressions en France, que la plupart de ces élémens soient latins, et que ceux qui ne le sont point se latinisent en s’y absorbant. C’est une civilisation latine qui est en train d’éclore, et elle paraît appelée à jeter un certain éclat. Il ne doit pas nous être indifférent que les rejets de la sève latine poussent vigoureusement quelque part, ne fût-ce que pour mettre un peu de diversité dans la teinte anglo-saxonne qui envahit les autres parties du monde colonial.


ALFRED EBELOT.