que M. de Bismarck avait imposés aux états du Midi[1], l’empereur, bien inspiré, aurait dû comprendre, en voyant le traité de Prague violé et la ligne du Main politiquement et militairement franchie, que le seul moyen d'atténuer, sinon de conjurer le danger d'une centralisation militaire à nos frontières, c'était de mettre la Prusse aux prises avec le particularisme germanique, en affectant vis-à-vis de l'Allemagne et de sa transformation intérieure un apparent désintéressement.
Mais l'idée de la triade allemande, la théorie des trois tronçons lui était chère. Elle avait présidé à sa politique danoise et elle constituait le bénéfice le plus clair de sa médiation. L’Allemagne divisée en trois groupes distincts, devait être un gage certain pour notre sécurité et un moyen précieux pour nous faciliter le jeu des alliances. Aussi était-il dur pour l'empereur de renoncer à un résultat chèrement acheté, au prix du démembrement de la monarchie danoise, de la dissolution de la Confédération germanique et de la création du royaume d'Italie. Il se plaisait à espérer que les cours méridionales, placées entre la France et l'Autriche, qui avaient un intérêt égal à ne pas laisser transgresser les stipulations de Prague, chercheraient par la force des choses, une fois dégagées de l'étreinte du vainqueur, à réagir contre l'absorption de la Prusse et à défendre leur autonomie.
D'ailleurs, à cette heure avancée du règne, il répugnait à l'empereur, affaibli par la maladie et rongé par les soucis, de s'arrêter, après ses déconvenues, à de nouvelles conceptions politiques. Il n'avait plus cette hardiesse, cette confiance en lui-même que donnent les longues complaisances de la fortune. Toutes ses entreprises avaient mal tourné ; il sentait qu'il n'avait plus le vent en poupe, il appréhendait la haute mer et ses tempêtes. Il préférait s'en tenir au provisoire, et sans se refuser aux occasions que l'avenir pouvait encore lui réserver, il renonçait à les faire naître.
Dans les dispositions morales où se trouvait Napoléon III, le roi Guillaume et son ministre ne risquaient pas, en arrivant aux Tuileries, d'être interpellés sur les équivoques de leur politique, sur l'oubli des engagemens qu'ils avaient pris avant les événemens de 1866. L’empereur était trop courtois et aussi trop timide pour embarrasser ses hôtes et leur causer le plus léger déplaisir; il tenait au contraire à les mettre à leur aise, à les séduire par les grâces de son accueil et à reprendre avec eux les causeries si cordiales qui présidaient à leurs rapports avant le coup de foudre de Sadowa.
Mais, en politique, le roi Guillaume ne sacrifiait guère au sentiment, il ne connaissait que la raison d'état, qui lui prescrivait, après ses
- ↑ L'Affaire du Luxembourg, p. 74.