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1664. Si déjà la publication des Lettres, Instructions et Mémoires de Colbert nous en avait beaucoup appris, et beaucoup plus en vérité que ne le veut bien dire M. Pauliat, je reconnais volontiers que son livre y ajoute, et l’histoire générale en fera certainement son profit. Il aura donc, lui aussi, publié le premier d’importans documens inédits, tirés pour la plupart des archives de la marine, et dont quelques-uns nous apportent ce que l’on ne pouvait savoir en effet que par eux. Le XVIIe siècle a eu, comme le nôtre, sa question de Madagascar et M. Pauliat l’aura débrouillée, sinon tout à fait éclaircie. Mais, après cela, j’ose bien l’assurer que personne, — excepté lui, puisqu’il le dit, — n’ignorait que Louis XIV eût étendu sa sollicitude active jusqu’aux choses du commerce et de l’industrie, ni personne que ses plaisirs ne l’avaient jamais empêché, pendant un demi-siècle et plus, de remplir son métier de roi, — comme M. Pauliat paraît croire qu’on le croit.

Le procédé de cet auteur est vraiment trop commode, à moins qu’il ne soit ce que l’on appelle bien « jeune, » et qu’il ne témoigne d’une rare ignorance des entours de son sujet. Il ressemble à celui d’un homme qui dirait : « Supposons que Corneille soit médiocrement tragique, ou Molière médiocrement gai, » et qui ferait un livre pour prouver qu’en vérité Corneille est plus tragique et Molière plus gai que ne l’admet cette supposition. M. Pauliat nous dit de même : Supposons que Louis XIV n’ait été qu’une « machine à signer » entre les mains de Colbert, de Louvois et de Lionne ; et il n’a pas de peine à prouver le contraire ; et lse sait bon gré de l’avoir si bien prouvé. « Après les documens et les faits que nous avons cités, dit-il en terminant, on ne saurait plus s’en tenir sur Louis XIV à l’opinion généralement acceptée aujourd’hui,.. et force est d’admettre qu’il a nécessairement possédé une puissance d’application, une continuité d’idées et une capacité de travail peu communes. » Comme si, au contraire, ce n’était pas là l’opinion tellement acceptée qu’elle en est devenue presque triviale ! Comme si tous les historiens n’étaient pas unanimes à l’avoir vingt fois reproduite ! Comme si l’on ne l’avait pas enseignée jusqu’aux enfans de nos écoles primaires ! ou comme si le Français qui l’énonce apprenait seulement quelque chose à l’étranger ! — mais il aurait appris quelque chose à M. Pauliat.

Ainsi préparé, le lecteur devine ce que M. Pauliat nous pouvait dire de précis et de neuf sur les causes de la guerre de Hollande : c’est sa troisième découverte. On avait cru jusqu’à ce jour qu’en déclarant la guerre à la Hollande, en 1672, Louis XIV avait surtout voulu « châtier en liberté cette altière et ingrate nation ; » et une bonne raison de le croire, c’était que Louis XIV lui-même, dans un Mémoire que l’on conserve aux Archives de la guerre, avait pris la peine de l’apprendre à la postérité. Depuis que la Hollande, par le traité de la