Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux clairons de sonner, et toutes les troupes se précipiteront dans le fort aux cris de : Vive le roi ! »

Pour concevoir et pour mettre à l’étude de pareils projets, il fallait bien mépriser l’ennemi qu’on allait avoir à combattre ! Cette confiance est souvent un gage de victoire : quand elle conduit, comme à Guadalupe, à un échec, Dieu sait si on lui épargne le blâme et la raillerie. La campagne de 1805, en Autriche, a vu cependant, s’il en faut croire les Mémoires du général Lejeune, des places fortes ainsi emportées par un brusque assaut. Le plus sûr sera de ne pas s’y fier, surtout quand on attend des bombardes. Les feux courbes, peu usités encore, vont tout à l’heure montrer qu’on a plus facilement raison des forteresses avec des mortiers qu’avec des échelles.


V

Ce sera l’éternel honneur de l’amiral Baudin de n’avoir ouvert les hostilités qu’à la dernière extrémité. Le commandant Le Ray rapportait de Mexico une réponse évasive : l’amiral consentit à se rendre à Jalapa pour s’y aboucher personnellement avec les plénipotentiaires mexicains. « La France, disait-il, est loin de nourrir aucune arrière-pensée qui soit contraire à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Mexique. En bloquant vos ports, elle a usé du moyen le plus doux qui fût en son pouvoir pour obtenir, après tant d’années et tant de démarches, le redressement des griefs de ses nationaux. » Le ministre des affaires étrangères de la république mexicaine, M. Cuevas, n’essayait pas de pallier les torts de son gouvernement ; il continuait seulement de se retrancher derrière l’irresponsabilité morale d’un pays bouleversé par ses agitations intérieures. « Les désordres dont vous vous plaignez, répondait-il imperturbablement à l’amiral Baudin, sont la conséquence inévitable et fatale de l’enfance politique du Mexique. » Arrivé à Jalapa le 17 novembre, l’amiral en repartit le 21, laissant entre les mains de M. Cuevas un dernier et sérieux ultimatum. « Je lui ai déclaré, écrit-il au ministre de la marine, que j’allais attendre à mon bord jusqu’au 27 la décision finale du gouvernement mexicain. Si le 27, à midi, satisfaction complète n’est pas donnée à la France, je commencerai immédiatement les hostilités. »

Différer — dilatar — est, dit-on, la maxime favorite de la diplomatie mexicaine. La ressource, cette fois, est usée : l’habileté du congrès va se heurter à une résolution inébranlable. La division navale que commande l’amiral Baudin s’est portée du mouillage de Sacrificios au mouillage de l’Ile-Verte. Dès le 26 au soir, les