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interprétées avec tant d’élégance de style, dans une langue si pure et si séduisante. M. de Foville a infligé une fois de plus un démenti aux esprits légers qui, pour excuser leur ignorance, qualifiaient l’économie politique de littérature ennuyeuse ! Quand les problèmes les plus importans qui concernent les sociétés humaines s’offrent aux réflexions des hommes d’état avec toute la substance de recherches approfondies et précises, et avec tout le charme d’une forme classique et irréprochable, quel esprit avisé aurait le droit de se plaindre d’ennui ?


I

La petite et la grande propriété existent en tout pays et se côtoient. On peut dire qu’elles ne prospèrent jamais mieux que de compagnie. Il n’est pas de condition plus propice pour la richesse d’un grand domaine qu’une ceinture épaisse de paysans propriétaires. Ils sont nombreux, ils n’émigrent pas, toutes leurs heures ne sont pas absorbées par la culture de leur bien propre, ils fournissent ainsi au puissant voisin une main-d’œuvre assurée. Ils maintiennent, en outre, la valeur du sol : de temps à autre, ils absorbent quelque morceau ingrat de la vaste terre dont ils sont les satellites et souvent les héritiers présomptifs ; ils ne réduisent ainsi que dans des proportions insignifiantes l’étendue du domaine principal, et ils fournissent à son possesseur des capitaux qui lui permettent de regagner en intensité de culture ce qu’il peut avoir perdu en superficie. Sans cet utile accompagnement de petites propriétés, la grande languit, elle se transforme en latifundium ; elle n’a plus de main-d’œuvre sur qui elle puisse compter, de débouché prochain pour divers de ses produits ; elle voit le vide se faire autour d’elle, elle est obligée de faire venir de loin les ouvriers et d’envoyer au loin ses récoltes ; elle n’a plus, en outre, de valeur fixe, elle dépend du hasard qui fournit au maître ou qui lui retire un habile et honnête gérant. Tout grand propriétaire prévoyant devrait apporter un soin minutieux à maintenir ou à créer autour de lui un large anneau de petits propriétaires.

La petite propriété n’a pas un moindre intérêt à être voisine de la grande. Il est impossible une le détenteur de deux ou trois hectares de terrain, sauf le maraîcher de la banlieue des villes, ait sur son bien l’emploi de toutes les heures de son existence. Il est réduit, s’il ne trouve dans le voisinage une commande de travail, à en perdre un certain nombre. Qu’il se rencontre, au contraire, à peu de distance un vaste domaine, il loue ses bras et, d’ordinaire, très cher, quand ils demeureraient inoccupés. Lui, sa femme, ses enfans, pour les