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construction, elle y trouvera de nombreux avantages. Ce beau monument en fera sans doute naître plusieurs autres, et sa valeur suggestive doit dès à présent entrer en ligne de compte.

Au reste, sous tous les autres rapports, la ville est en grand progrès. Les hommes éminens, les esprits profonds et nourris d’idées y sont en nombre. Les eaux d’égout, vu la nullité des pentes, restaient stagnantes de mon temps et faisaient surgir de temps à autre de terribles variétés épidémiques. Aujourd’hui, un mécanisme puissant aspire et refoule, deux ou trois fois par jour, ces flots pestilentiels ; dans la plupart des égouts, on est arrivé à entretenir un courant continu, qui empêche les dépôts de se former. Plusieurs autres améliorations ont été apportées à l’hygiène de la cité, avec tant de succès que la Nouvelle-Orléans passe, — à part les irruptions meurtrières de la fièvre jaune, — pour une des villes les plus saines de l’Union. Au point de vue du transit commercial, elle a une importance considérable et alimente largement toutes les voies de transport qui viennent y aboutir. L’éclairage électrique y est mieux établi et plus complet que partout ailleurs et donne aux quais, sur tout leur développement, un aspect féerique. Le téléphone est partout. Les clubs, indispensables aux véritables Anglo-Américains, y sont nombreux et bien organisés. Les journaux ont pris, dans ces dernières années, un essor inouï. Le Times-Democrat, par exemple, qui est l’un des principaux, avait, lors des dernières inondations, frété un bateau à vapeur destiné à secourir les riverains en détresse. Il y a deux ans, ce même journal publiait, dans les premiers jours d’août, un compte rendu général sur le mouvement industriel et commercial dans la vallée du Mississipi, depuis la Nouvelle-Orléans jusqu’à Saint-Paul. Ce compte rendu ne comprenait pas moins de quarante pages à sept colonnes, en tout deux cent quatre-vingts colonnes formant un total de quatre cent vingt mille mots, — près de trois fois la matière d’un volume in-8o. — Voilà qui vaut mieux sans doute que l’architecture publique.

Je dis publique, car en résumé, l’architecture privée ne laisse pas trop à désirer, malgré sa simplicité un peu primitive. La plupart des maisons sont en bois et ont l’air confortable. Celles des quartiers élégans sont grandes et couvertes d’un badigeon blanc immaculé. Elles ont de larges vérandahs portées sur des colonnes assez décoratives. Elles sont presque toujours entourées de jardins et s’élèvent, tout enguirlandées de roses, au milieu d’un massif de feuillage verdoyant et de floraisons multicolores. Un seul détail, dans ces demeures si commodes et si avenantes, vient choquer l’œil et prêter à la critique. C’est un grand réservoir, peint en vert, quelquefois haut de deux étages et grimpé sur des échasses qui