seconde ville de l’Arkansas ; elle compte 5,000 habitans. Tout le pays environnant est exceptionnellement productif. Le commerce y est florissant ; de 40 à 60,000 balles de coton par an s’y écoulent. Deux chemins de fer s’y réunissent, et les recettes brutes de la ville sont évaluées à 4 millions de dollars par an.
J’ai repris presque toutes mes anciennes habitudes du bord, et, bien entendu, je me fais réveiller avec le pilote de service à quatre heures du matin, car on n’a jamais trop d’occasions d’assister au lever du soleil sur le Mississipi. L’heure même qui précède est charmante par le profond silence qui règne de toutes parts, et le sentiment exquis de solitude et de repos qui s’empare du voyageur. Puis le difficile arrive par degrés, les murailles noires de la forêt commencent à pâlir, de grandes échappées de fleuve se révèlent. L’eau est tranquille et polie comme un miroir et dégage ça et là des vapeurs blanches aux allures de fantômes. Le calme de la nature est infini : pas un souffle d’air, pas une feuille qui bouge. Tout à coup un oiseau solitaire entonne sa chanson, un autre lui répond, et, en quelques minutes, une véritable orgie musicale gagne d’arbre en arbre. On ne voit pas les chanteurs, mais on avance au sein d’une atmosphère tout harmonieuse. Puis quand la lumière s’est un peu développée, le décor devient splendide. Le vert sombre des fouillées voisines va se dégradant à l’horizon ; au promontoire prochain, il s’est transformé en une teinte douce et printanière. Les rivages lointains sont comme des nuages presque immatériels au-dessus de l’eau, qui les reflète à l’infini. Puis, quand le soleil est tout à fait levé et distribue sur toutes les parties du paysage les splendeurs de sa lumière, on est forcé d’avouer que le spectacle auquel on vient d’assister vaut qu’on s’en souvienne.
L’étape suivante est Memphis, où nous retrouvons encore les souvenirs de la guerre civile. C’est là que fut livrée une des plus grandes batailles qui eurent lieu sur le fleuve. C’est une ville superbe, admirablement située sur une falaise qui domine le cours du Mississipi. Les rues sont droites et larges, et même belles, bien que le pavage laisse à désirer. Les égouts sont une merveille, mais de construction récente. Il y a quelques années, ils étaient moins remarquables. C’est à la suite d’une dure leçon que les habitans ont opéré cette heureuse réforme. On se souvient de l’invasion terrible de la fièvre jaune, qui enleva des centaines, des milliers d’individus. La population avait diminué, tant par suite de l’épidémie que par suite de l’émigration, au point d’être réduite des deux tiers, et les choses restèrent longtemps en cet état. Un Allemand, M. Ernest de Hesse-Wartegg, a raconté dans son livre intitulé : Mississipi-Fahrten, quelques-uns des épisodes les plus émouvans de cette