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enchevêtrées les unes auprès des autres et d’un accès souvent difficile.

Voici quelques renseignemens sur ces constructions. Leurs murs ont à peu près un mètre de haut ; ils sont en pierres, unies par de la boue ; les jambages des portes et les arêtes sont taillés. Au-dessus d’un mètre, les murs étaient en larges briques de pisé, pareilles à celles de Troie. Toutes les colonnes étaient en bois et portées sur une pierre aplanie et saillante. Les portes, formées de madriers, roulaient sur un sabot de bronze dans une cavité du seuil ; un de ces sabots a été retrouvé. Nous ignorons ce qu’étaient les toitures, si elles étaient inclinées ou en terrasse ; nous savons seulement qu’elles n’avaient pas de tuiles, car il ne s’en est pas trouvé dans les déblais, et c’est un principe admis que les terres cuites sont indestructibles. Outre ses colonnes, l’édifice principal était orné intérieurement de peintures murales ; on en a exhumé un fragment représentant un taureau à la course, sur le dos duquel survient un homme, qui s’appuie d’un genou et saisit la corne de sa main droite. Ces peintures étaient exécutées au pinceau sur un enduit de chaux pure, sans mélange de sable : procédé curieux, signalé pour la première fois en 1870 à Santorin par MM. Gorceix et Mamet et dont l’école française à Athènes conserve des spécimens. Les cours en avant des deux principaux édifices étaient ornées d’abris, que les auteurs du volume qualifient de portiques, terme un peu ambitieux.

En somme, toutes les constructions intérieures de Tirynthe étaient grossières, peu consistantes et peu durables. Si les blocs de la fortification étaient dressés et travaillés à la scie, on s’étonne que les habitations fussent si médiocres, que l’on se contentât de piliers de bois et de murs faits de terre délayée avec de la paille. Les prétendus palais des vieilles acropoles asiatiques n’étaient pas plus luxueux; mais les murs d’enceinte étaient faits aussi de pierres brutes, sans aucune trace de l’outil; il n’y avait pas de contradiction. Il y a donc ici, au moins dans les apparences, un contraste qui demande à être étudié. En voici un autre, qui peut s’expliquer sans doute : les plans sont supérieurs à l’exécution. Les propylées de Tirynthe, si grossiers qu’ils fussent, étaient faits sur un plan fort heureux ; ce plan était si naturel et si bien conçu dans sa simplicité, qu’il est par essence identique à celui des Propylées d’Athènes, œuvre d’un des plus grands architectes de l’antiquité. Les deux édifices principaux, surtout le plus vaste, offrent aussi un plan qui se retrouve dans tout le monde hellénique, à toutes les époques de l’art ; c’est celui des temples. Enfin, les hangars ou abris autour des espaces découverts sont du même type que les portiques des temps postérieurs