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LES
SOCIÉTÉS SECRÈTES CHEZ LES ARABES
ET
LA CONQUÊTE DE L’AFRIQUE DU NORD

Il n’y a pas dans le monde arabe d’institution politique qui n’ait pour base la religion. L’école et le tribunal sont dans la mosquée; le peuple ne se compose pas de citoyens, mais de fidèles ; les hordes qui s’opposent à nos conquêtes ne recrutent pas des volontaires, mais des croyans ; la guerre ne fait pas de ces croyans des soldats, mais des fanatiques ; c’est l’étendard seul du Prophète qui peut conduire à la victoire un musulman. Ainsi, les sociétés secrètes auxquelles nous avons consacré cette étude et dont l’action politique est pour nous si importante à connaître, pourraient toutes, sans exception, être prises pour les institutions les plus louables ; elles sont toutes des ordres pieux, des congrégations charitables.

Ces ordres prennent de jour en jour un développement plus étendu. Tandis que, par tous les points du littoral, l’Europe envahit avec éclat l’Afrique, l’entame bruyamment par le rivage, le flot du fanatisme se pousse silencieusement au cœur même de ce continent immense et le submerge déjà en grande partie ; deux conquêtes rivales s’y avancent simultanément, mais par des moyens bien diffôicns : nous montons à l’assaut; l’islam, au contraire, se répand comme fait l’huile sur une étoffe.

Les sociétés secrètes organisent la propagande : elles s’en chargent, elles luttent entre elles à qui réussira le plus vite ; elles ont chacune leurs voies, leurs caravanes, leurs mandataires, et si ce