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être de révoquer le rhingrave. Elle avait commencé sa tâche ingrate malgré les récriminations de cet officier. Après une réunion à Zwammerdam, elle avait choisi pour sa résidence le château de Woerden. Partout on la reçut avec grand respect. Les étudians de Leyde voulurent se charger du soin de lui former une garde d’honneur. Sous l’impulsion des commissaires, la confiance sembla renaître. Le gouvernement anglais, désormais tout dévoué à la cause orangiste, sentit le besoin de hâter les événemens : « Le moment semble venu où le coup décisif doit être frappé ! » écrivit lord Carmarthen à sir James Harris.


VI.

Le 25 juin, sir James Harris annonçait à la cour de Londres le projet formé par la princesse d’Orange de rentrer à La Haye pour se mettre à la tête du parti : « Si par sa présence la princesse amène les députés à se conduire comme des hommes, je la regarderai comme un ange. » Le 29, le ministre d’Angleterre écrivait sur un ton bien différent: « Les craintes que j’appréhendais ne se sont que trop vérifiées, la princesse d’Orange a été arrêtée, hier, près de Gouda par un détachement de corps francs. » Sir James Harris ne se trompait pas.

Le jeudi 28 juin, Wilhelmine de Prusse avait quitté Nimègue en carrosse, suivie de plusieurs voitures contenant les gens de sa maison. A deux lieues de Schonhoven, une troupe de corps francs ou volontaires patriotes parut sur la route. Le lieutenant qui la commandait pria le carrosse de s’arrêter. Ordre avait été donné de ne laisser passer aucun équipage considérable sans en référer à l’autorité supérieure. Il devait prévenir le général van Ryssel et la commission de Woerden. En attendant le retour du courrier, Wilhelmine de Prusse désira se reposer dans une maison. La princesse et les personnes de qualité qui se trouvaient auprès d’elle occupèrent une chambre ; le reste de sa suite fut introduit dans la pièce voisine. L’officier de corps francs crut ne pas devoir se retirer, par politesse. Cependant, la commission de Woerden avait été prévenue. MM. de Witt, Block et van Foreest se rendirent en hâte auprès de la princesse pour lui exprimer leur regret et lui demander un récit de l’aventure. La princesse répondit qu’elle désirait se rendre à La Haye; elle faisait ce voyage dans les meilleures intentions pour rétablir la concorde, en assurant au prince son époux les privilèges qui lui appartenaient. M. de Witt demande à Son Altesse royale la permission d’observer que, dans l’état d’effervescence et même d’hostilité générale, une telle demande aurait un résultat contraire à celui qu’elle en attendait. Les émeutiers ne