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officiers anglais, russes, mecklembourgeois servaient comme volontaires dans son état-major. Les princes régnans de Saxe-Weimar et d’Anhalt avaient obtenu l’autorisation de l’accompagner. Le 13, la province de Gueldre était envahie : l’armée d’occupation se présentait comme amie : elle venait rétablir l’ordre public, sauver les Pays-Bas de l’anarchie, rendre au stathouder les privilèges qui lui appartenaient. La princesse d’Orange, suivie de ses dames d’honneur et de son escorte, s’avançait au-delà de Nimègue pour recevoir ses libérateurs. Les officiers prussiens portaient, par courtoisie, la cocarde orange au chapeau ; ils étaient accueillis par la foule aux cris de : « Vive Orange ! » Le vieux chant de Guillaume de Nassau retentissait de toutes parts, le temps était magnifique, la victoire était assurée. L’expédition semblait une partie de plaisir, pour ne pas dire une fête de famille. La journée du 14 fut accordée au repos. Les soldats avaient fait la veille une marche forcée ; ils devaient s’assurer du pain et des fourrages pour trois jours. On venait d’apprendre la nouvelle que la commission de Woerden avait donné l’ordre de rompre toutes les digues, de défoncer tous les chemins : bientôt la Hollande serait sous l’eau.

Quelles mesures, en dehors de l’inondation, la Hollande pouvait-elle opposer aux forces de Frédéric-Guillaume jointes à celles de son beau-frère ? Les commissaires de Woerden avaient travaillé sans relâche à développer les moyens de défense, mais la bonne volonté ne supplée pas aux connaissances professionnelles. Il eût fallu remettre la direction de la lutte à un véritable homme de guerre. L’on avait pensé à M. de La Fayette, qu’on eût prié de commander un corps de 20,000 volontaires. Il se voyait déjà « placé à la tête de toutes les forces militaires des provinces républicaines.» L’affaire n’aboutit pas, par suite de « la friponnerie du rhingrave. » À défaut de La Fayette, les commissaires de Woerden demandaient des canonniers à la cour de France. Le maréchal de Ségur, alors ministre de la guerre, était trop grand partisan de l’alliance hollandaise pour se refuser à cette prière. Deux cents canonniers, sans armes et sans uniformes, reçurent l’ordre de se rendre par détachemens en Hollande et de se mettre au service de la commission. MM. de Bellonet et Bosquillon de Frescheville, capitaines en premier au corpS royal du génie, partirent en même temps pour La Haye. M. de Ternant, officier général très distingué, se trouvait déjà en Overyssel pour y organiser la résistance.

M. de Ségur et son collègue de la marine, M. de Castries, ne se contentaient pas de ces mesures. Ils désiraient l’intervention active de l’armée française et faisaient préparer des plans de campagne. La difficulté dominante, outre la pénurie du trésor et l’insouciance de M. de Brienne, était la distance. Givet se trouvait à quarante