ses privilèges et de ses propriétés. Malheur, à celui qui désobéit à un évêque, car il est frappé tout de suite comme un hérétique ! Un misérable conspirait contre son évêque : il fut trouvé, le malin du jour fixé par le crime, mort sur une chaise percée, et, comme l’hérésiarque Arius avait fini de cette laide façon, Grégoire, dont la logique a de ces surprises, conclut de l’identité du châtiment à l’identité du crime : « On ne peut, dit-il, sans hérésie désobéir au prêtre de Dieu. » Malheur à qui viole l’asile d’une église ! Le saint auquel elle est consacrée ne tolère pas ce sacrilège. Un homme poursuit son esclave dans la basilique de saint Loup ; il saisit le fugitif et le raille : « La main de Loup ne sortira pas de son tombeau pour t’arracher de ma main ! » Aussitôt ce mauvais plaisant a la langue liée par la puissance de Dieu ; il court par tout l’édifice en hurlant, car il ne sait plus parler comme les hommes : trois jours après, il meurt dans des tourmens atroces. Malheur à qui touche aux biens de l’église ! Nantinus, comte d’Angoulême, s’est approprié des terres ecclésiastiques ; il est brûlé par la fièvre et son corps tout noirci semble avoir été consumé sur des charbons ardens. Un agent du fisc s’empare de béliers qui appartenaient à saint Julien ; le berger les veut défendre, disant que le troupeau est la propriété du martyr : « Est-ce que tu crois, répond le facétieux personnage, que le bienheureux saint Julien mange du bélier ? » Lui aussi fut brûlé par la fièvre, au point que l’eau dont il se faisait inonder devenait vapeur au contact de son corps. Malheur enfin à qui n’obéit pas aux commandemens de l’église ! Un paysan qui se rendait à l’office aperçoit un troupeau qui ravage son champ : « Hélas ! dit-il, voilà perdu mon labeur de toute une année ! » Et il prend une hache ; mais c’était dimanche ; la main qui violait la loi du repos dominical se contracte et demeure fermée, tenant toujours la hache ; il fallut, pour l’ouvrir, un miracle obtenu à force de larmes et de prières. Le plaisir est défendu ce jour-là comme le travail. Un enfant qui a été conçu dans la nuit du dimanche est venu au monde les genoux adhérens à l’estomac, les mains à la poitrine et les talons aux jambes. Saint Martin a bien voulu le guérir en deux fois, mais Grégoire tire une leçon de ce terrible accident : « Prenez garde, hommes mariés ! c’est assez de s’adonner à la volupté les autres jours. Les enfans conçus le dimanche naissent boiteux, épileptiques ou lépreux ! »
Toujours dans les récits de Grégoire éclate la puissance des saints, propice aux bons et redoutable aux méchans : il est le grand pontife du culte des bienheureux. Il a employé une bonne partie de son existence tourmentée par tant de soins à célébrer leur gloire. Laborieux écrivain, il gardait à portée de la main son Histoire des Francs, qui est son œuvre principale et un des plus curieux monumens