malheureux qui se réfugient sous sa protection prouve qu’alors déjà on savait ce que dira plus tard le proverbe : qu’il est bon de vivre sous la crosse.
L’église accepte, il est vrai, mainte coutume barbare, par exemple, les épreuves judiciaires : quand un accusé, pour prouver son innocence, offre de tenir dans sa main un fer chaud, le fer est chauffé auprès de l’autel ; si l’accusé est jeté tout garrotté dans une cuve dont il doit toucher le fond, un prêtre bénit l’eau ; s’il doit se battre contre son adversaire, l’église bénit les armes des deux champions. L’Écriture est employée à justifier ces bizarreries grossières : Dieu n’a-t-il pas sauvé Lot du feu de Sodome, Noé des eaux du déluge, et David n’a-t-il pas combattu en duel contre Goliath ? Comme Dieu était réputé manifester l’innocence et révéler le criminel, l’église ne pouvait récuser le juge infaillible ; mais du moins sa bienfaisante influence se fait sentir dans les guerres privées : entre deux partis près d’en venir aux mains, elle « intervient, » comme disent les formules, pour a rétablir la concorde et la paix. » Elle demande à l’offensé d’accepter la composition, et elle aide au besoin l’offenseur à la payer. Elle révèle aux barbares des sentimens inconnus, en exprimant l’horreur qu’elle éprouve pour le sang versé : Ecclesia abhorret a sanguine. Aux criminels et aux malheureux menacés d’un châtiment juste ou immérité, elle ouvre ses asiles, où elle les défend, non contre le juge, mais contre la violence immédiate, car le droit d’asile tel qu’il était alors pratiqué, n’était pas une usurpation de l’église sur la puissance publique : elle rendait les réfugiés après avoir reçu la promesse qu’ils seraient jugés régulièrement et les avoir assurés autant que possible contre la peine de mort. s’il s’agissait d’esclaves fuyant le courroux d’un maître, elle imposait à celui-ci l’obligation du pardon : deux esclaves de Rauching, un homme et une femme, menacés par lui pour s’être mariés contre son gré, se sont réfugiés au pied de l’autel ; il les réclame, mais ne les reçoit qu’après avoir juré de ne pas les séparer ; il les emmène, les enchaîne l’un à l’autre et les ensevelit dans un tronc d’arbre : « Je tiens ma parole, dit-il, car les voilà pour jamais unis ! » Mais le prêtre informé accourt, il exige la libération des suppliciés : la femme était morte ; il put du moins sauver son compagnon.
L’église a donc prononcé des paroles belles et douces, perpétue au milieu des violences le sentiment de la miséricorde, essuyé bien des larmes, épargné des tortures à la chair humaine. Elle a rappelé aux barbares qu’ils avaient une âme que le péché mettait en péril. Remède de l’âme, cette expression qu’on lit dans les chartes de donation, était bienfaisante. Le moyen le plus souvent employé d’assurer le remède à son âme était sans doute la libéralité envers l’église : qu’importe ! Elle seule savait alors faire usage des richesses.