promesses et de menaces, d’invectives et d’imprécations qu’on vociférait autour d’elle, exhortant chacun à faire son devoir par respect pour soi-même, pour l’honneur de la cause et du drapeau, mais sans pousser personne à se compromettre, avec un amour persévérant pour la France quand même, mais pas la moindre confiance dans la France du moment. Son parti fut également pris sur-le-champ.
Elle avait obtenu de Louis XVIII la promesse de faire inscrire, au nombre des dettes de la famille royale que la France prenait à son compte, les deux millions généreusement prêtés par M. Necker à Louis XVI, et certes cela était doublement juste ; c’était une dette personnelle, dont l’emploi avait été fait au profit de l’état. Mais cette promesse tombait naturellement avec celui qui l’avait faite. Les bonapartistes, dans l’avant-goût de leur triomphe, pressaient Mme de Staël de ne pas s’éloigner, de rester, de se déclarer pour l’empereur, lui promettant alors monts et merveilles. J’ai entendu à ce sujet M. de La Valette, qui demeurait dans la même maison qu’elle, redoubler d’instances à mesure que le moment fatal approchait, et le prince de Beauvau, le gouverneur du roi de Rome, se faisait fort de tout obtenir. Mme de Staël recevait ces insinuations avec le dédain qu’elles méritaient, faisait ses paquets à la hâte, en m’exhortant à rester aussi longtemps qu’il y aurait quelque chance de résistance à la nouvelle invasion du despotisme impérial, et en me donnant rendez-vous à Coppet, lorsqu’il n’y en aurait plus.
Je restai. Le gouvernement et la société offraient un spectacle misérable. On se repaissait de fausses nouvelles sans y ajouter la moindre foi. On s’échauffait en déclamations que chacun appréciait à leur juste valeur. On se préparait à la résistance avec la ferme résolution de ne pas attendre le premier choc. On jurait haine au tyran, en s’arrangeant, sous main, pour en être bien reçu, le moment venu. Forbin traînait son grand sabre dans le salon de Mme Récamier, et Benjamin Constant y brandissait l’article qu’il avait, pour son malheur, fait insérer dans le Journal des Débats, plus préoccupés l’un et l’autre de l’effet qu’ils faisaient sur la maîtresse du logis que de toute autre chose au monde. Une foule hébétée se pressait aux Tuileries, criant : Vive le roi ! en attendant qu’elle criât dans le même lieu : Vive l’empereur ! Les deux chambres se sentaient aussi détrônées que la royauté, leurs comités secrets étaient percés à jour comme le cabinet des princes, et leurs salles étaient des cafés où l’on venait aux nouvelles.
La séance royale où Louis XVIII vint annoncer solennellement le dessein de mourir sur son trône en défendant son peuple fut, néanmoins, de bon effet. Elle inspira le genre et le degré d’émotion qu’inspire aux acteurs et aux spectateurs une scène bien jouée,