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sous le nom de Mameloucks, et la mit en pièces. Dès le 15 juillet, Trestaillon, quatre Taillons, tous les Taillons du monde, à la tête de soi-disant volontaires royalistes, fondirent sur les protestans de Nîmes et en firent un grand carnage. Le général Brune fut massacré le 15 août à Avignon, le général Ramel fut massacré le 17 à Toulouse. Jusque-là, le gouvernement n’y était pour rien ; il se bornait à déplorer timidement ce qu’il ne pouvait guère prévenir et ce qu’il n’osait guère réprimer, mais presque en même temps commencèrent les réactions juridiques.

Labédoyère, arrêté à Paris le 2 août, fut condamné par un conseil de guerre et fusillé le 19. Il était, à coup sûr, très coupable devant la loi et très insensé devant la raison ; mais comment ne pas le plaindre ? il n’avait fait que devancer d’un jour l’entraînement de ses frères d’armes. J’avais connu cet infortuné chez Mme de Staël ; il avait longtemps, et durant le plus grand éclat de l’empire, honoré l’exil de Coppet et fait partie de cette troupe d’élite qui y jouait sa sécurité, son avenir, peut-être sa liberté, en y jouant Phèdre, Alzire ou Mahomet.

Les frères Faucher, arrêtés le même jour que Labédoyère, furent condamnés par un conseil de guerre et fusillés le 27 août. On connaît leur sort et leur histoire. J’aimerais mieux avoir sur ma tête et sur mes mains le sang du maréchal Brune, lâchement assassiné à bout portant, que d’avoir trempé dans le jugement des frères Faucher. M. de La Valette, arrêté le 16 août, fut condamné à mort le 20 novembre. Le maréchal Ney, arrêté le 6 août, fut condamné à mort le 6 décembre. Je dirai quelques mots sur ces deux procès. Mais, comme ils eurent lieu l’un et l’autre en présence des chambres, le premier sous leur influence et le second par l’entremise de l’une d’elles, je dois m’arrêter, avant tout, sur les circonstances qui précédèrent et suivirent leur réunion.

Je passerai sur la rentrée du roi à Paris, l’occupation de la capitale, la spoliation du Musée, la tentative de faire sauter le pont d’Iéna, les premières négociations qui préparèrent le traité du 20 novembre. Je suis resté parfaitement étranger à ces incidens et ne les ai vus que de loin ; mais je rappellerai pour mémoire que, le 13 juillet, cinq jours après sa rentrée, le roi, par le conseil de son ministère Talleyrand-Fouché, frappa une série de coups d’état : il constitua, par ordonnance, un nouveau corps électoral et le convoqua pour le 14 août ; il révisa et modifia provisoirement cinq articles de la charte ; il raya de la chambre des pairs tous ceux de ses membres qui avaient siégé dans la chambre des pairs impériale et les remplaça par une large fournée de bons royalistes ; il exila, par une ordonnance rendue le 24 juillet, trente-huit personnages, les uns fort connus et les autres fort ignorés. Il livra, par la même