famille, aussi ancienne que la race aryenne, à celle qui formait le culte public de l’état.
Homère regarde la mort comme le mal suprême, et elle lui inspire de mélancoliques pensées : « Les générations des hommes ressemblent à celles du feuillage des bois. Le vent jette les feuilles à terre et la forêt féconde en produit d’autres au nouveau printemps. Ainsi passent les races humaines ; l’une vient, l’autre s’en va. » Pindare même est pris de tristesse au milieu de ses odes triomphales : « Que sommes-nous ? s’écrie-t-il. Que ne sommes-nous pas ? Le rêve d’une ombre. » Des traditions, venues du plus lointain des âges, sans doute du fond de l’Asie, l’horreur de la destruction et les songes dans lesquels s’étaient montrées de chères ou terribles apparitions, lui avaient appris que les morts commençaient dans la tombe une seconde existence. Le lien qui, durant la vie, attachait l’esprit au corps était relâché, mais non rompu ; l’âme plus libre errait la nuit autour des lieux qu’elle avait habités, et elle descendait aux champs stériles où poussait l’asphodèle, la plante des morts. Ainsi Achille régnait sur les ombres, tandis que son corps reposait sous le tumulus élevé dans la plaine troyenne. Ulysse voit aux enfers Hercule qui lui raconte ses malheurs ; et il sait que le héros passé dieu réside dans l’Olympe « comme l’heureux époux de la jeune Hébé. » L’âme de Phryxos, dit Pindare, vint de la Colchide demander à Pélias de rapporter ses restes en Grèce.
Cette séparation des deux moitiés de l’homme, cette survivance de la personnalité, après que le corps n’est plus que poussière, sont des croyances qu’on retrouve à l’origine de toutes les religions. En voyant, pour le guerrier tombé dans la bataille, succéder aux bouillonnemens de la vie l’immobilité glacée et l’effrayant silence de la mort, on hésitait à penser que tant d’énergie eût été soudainement et à jamais détruite. Mais l’idée d’une seconde existence fut d’abord bien grossière ; on donnait au mort ce qui pouvait lui servir : ses chiens favoris, ses chevaux, ses captifs qu’on égorgeait sur son bûcher. Nos Gaulois avaient cette coutume, et l’Indien des prairies la suit encore pour que rien ne manque au guerrier sur le terrain de la chasse funèbre. Les morts, qu’Homère appelle les têtes vides, νεϰύων ἀμενηνὰ ϰάρηνα (nekuôn amenêna karêna), ne pouvaient attendre de lui un sort bien heureux. Les âmes, formes impalpables, erraient silencieuses, avec une conscience obscure et en obéissant moins à de libres volontés qu’à des habitudes instinctives. Minos continuait à juger, comme dans son île de Crète ; Nestor racontait ses exploits et Orion chassait les bêtes fauves qu’il avait tuées jadis sur la montagne ; mais tous avec le regret de l’existence terrestre et un incurable ennui. Le glorieux Agamemnon porte envie à ce roi d’Ithaque que Neptune poursuit