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l’Angleterre, sans le sang-froid de son ministre des affaires étrangères et la clairvoyance de sa diplomatie, elle n’eût pas échappé à l’invasion.

Dans ces jours d’angoisses, l’Italie, sauf quelques démarches platoniques tentées à Berlin, avait fait la morte. Elle s’était dite l’amie de tout le monde en invoquant à la fois les souvenirs de 1859 et de 1866. Elle s’était dérobée en soutenant qu’il lui était difficile de s’engager soit d’un côté, soit de l’autre ; car si, avec l’aide de la France, elle avait commencé sa délivrance, c’était avec le concours de la Prusse qu’elle l’avait assurée. Le cabinet de Florence avait subordonné le sentiment à la raison d’état. « J’ai pu constater, écrivait le baron de Malaret à la date du 21 avril, chez les membres du gouvernement du roi, une sympathie que je crois réelle, mais qui est visiblement contenue par le désir de ne pas se compromettre. Tout en reconnaissant la modération de nos prétentions et tout en blâmant l’ambition excessive de la Prusse, on répète volontiers qu’en cas de conflit les intérêts de l’Italie ne se trouveraient pas directement menacés. Il n’est pas besoin d’une grande clairvoyance pour comprendre que le gouvernement italien, laissé à ses propres inspirations, ne songe pas à nous témoigner ses sympathies autrement que par des vœux. »

Ces appréciations étaient confirmées par une de nos correspondances d’Allemagne.

« Le cabinet de Berlin, écrivait-on, d’après ce qui me revient de bonne source, aurait tout lieu d’être satisfait du gouvernement italien. Il résulterait, en effet, de la correspondance du comte d’Usedom, toujours très influent à Florence, que, dans ses entretiens intimes avec le baron Ricasoli, ainsi qu’avec M. Rattazzi, il aurait pu se convaincre que, par reconnaissance pour la Prusse aussi bien que par intérêt, l’Italie ne sortirait pas, quelle que soit la marche des événemens, de la plus stricte neutralité. La cour de Prusse se montrerait fort rassurée par ces déclarations ; elle se plaît à les considérer comme un véritable succès pour sa politique. »

Les sympathies de l’Italie, cela n’était, pas douteux se reportaient de préférence vers la France, mais ses intérêts lui faisaient un devoir de ménager la Prusse. Son attitude ne pouvait surprendre que ceux qui ne se rendaient pas compte des nécessités impérieuses de sa politique. Elle s’irritait, non sans raison, des reproches d’ingratitude dont elle était l’objet ; elle n’admettait pas que la reconnaissance pût servir d’argument en politique.

La foi de l’empereur aurait dû être ébranlée par cette décevante épreuve : il n’en tira aucune moralité, il persista à servir de marchepied à la grandeur de l’Italie. Il consacra tous ses efforts à la faire admettre, malgré les observations du comte de Bismarck, à la