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faible, puis croissante et graduellement prononcée des anciennes mers. Selon lui, les mers paléozoïques auraient été hantées, le long des plages, par les plantes de ce premier âge. La flore, d’abord aquatique et sortie des eaux de la mer, aurait ensuite émigré sur le sol humide et les espaces émergés, à mesure que la différence entre les eaux salées et lacustres allait en s’accentuant. Il peut y avoir du vrai dans cette théorie, trop radicale pour être adoptée en bloc. Les élémens basiques des chlorures auxquels est due la salure de l’Océan ont sans doute varié d’âge en âge et se sont prêtés à des combinaisons diverses selon les époques. En effet, le magnésium, le sodium, le potassium, le calcium entrent sous forme de silicates dans la composition des roches primitives, et leur abondance relative au sein des mers a pu dépendre des érosions successivement exercées par les eaux de pluie et les eaux courantes et de l’amplitude du pouvoir dissolvant de ces eaux, alors probablement plus prononcé qu’aujourd’hui. Qui sait même si, avant d’être universelle, la salure des mers n’aurait pas été localisée, concentrée dans certains bassins, absente ou à peine sensible dans d’autres ? Sommes-nous certains que d’autres chlorures n’aient pas dominé avant l’époque où le chlorure de sodium et ceux de potassium et de magnésium sont devenus prépondérans ? Enfin, des actions thermiques ou des émissions géogéniques n’ont-elles pas pu venir se combiner avec les résultats de l’érosion, de façon à modifier à un moment donné la composition chimique et la nature de l’eau de mer ? — Si le chlorure de sodium ou sel marin actuel s’est accumulé au sein de certaines eaux, dans des proportions auparavant inconnues et dans un âge déterminé, il serait permis de soupçonner que cet âge eût été le trias et plus spécialement la fin de cette période ; elle se termine par le keuper ou « saliférien, » étage caractérisé, là par des amas de sel, ici et spécialement en Provence, par des masses de gypse, ailleurs par des calcaires magnésiens ou dolomies. Quelle que soit la cause génératrice de cet ensemble de phénomènes, les mers d’alors en furent le théâtre, et c’est dans des eaux parvenues à un degré de saturation déterminé et particulier pour chacune de ces diverses substances préalablement dissoutes, qu’elles se précipitèrent respectivement, non pas associées ni confondues, mais constituant des dépôts massifs et localisés. On sait effectivement par expérience et par l’observation de ce qui se passe dans les marais salans, que l’eau de mer, à mesure qu’elle se concentre, ou, si l’on aime mieux, à mesure que la proportion de l’eau diminue par rapport aux substances dissoutes, précipite celles-ci dans un ordre fixe et déterminé une fois pour toutes : le gypse avant le sel ordinaire ou chlorure de sodium et les autres chlorures seulement après celui-ci. La même chose dut se passer à la fin du trias,