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obtiennent un rôle de moins en moins effacé, avant qu’il devienne prépondérant. Quelques exemples feront saisir cette marche curieuse due évidemment à l’extension progressive des plantes venues du nord ou descendues des montagnes, tandis que celles qui peuplaient jusque-là l’Europe disparaissaient pour jamais ou se retiraient par étapes dans la direction du sud.

La flore des gypses d’Aix, si riche et si bien explorée, présente au premier rang de ses espèces plusieurs palmiers dont un au moins (Flabellaria Lamanonis) reparaît assez fréquemment pour donner à croire que sa présence imprimait au paysage d’alors le trait le plus saillant de sa physionomie. Au contraire, dans cette même flore, si l’on a rencontré un aune et un bouleau, un charme (Ostrya) et un orme, un érable et un frêne, c’est seulement à l’état d’échantillon isolé et grâce à la légèreté de leurs divers organes que ces arbres ont réussi à arriver jusqu’à nous. Nous avons conclu de cette extrême rareté qu’à l’époque des gypses d’Aix ils croissaient à l’écart et, selon toute probabilité, à une élévation suffisante pour comporter une végétation différente de celle des plaines ou des vallées inférieures.

La flore de Saint-Zacharie, celles de Gémenos et de Saint-Jean-de-Garguier, plus récentes d’un degré, c’est-à-dire franchement oligocènes, montrent à quelques lieues d’Aix le mouvement organique, signalé plus haut, en voie d’accomplissement, mais encore loin de su terminaison. Les palmiers sont déjà plus rares, bien qu’il y en ait plusieurs exemples avérés. Mais en regard de cet effacement graduel, les aunes et bouleaux, les ormes et charmes, les saules, érables et frênes ne sont plus exceptionnels ; les charmes et les érables surtout ont laissé des empreintes relativement nombreuses. On voit qu’ils tiennent une place qui n’est pas sans importance dans cette flore, qui pourtant continue à ne pas différer beaucoup, dans son ensemble, de celle des gypses d’Aix. C’est donc au total un pas de fait et le premier résultat d’un mouvement qui se dessine et que l’avenir se chargera de développer.

.Franchissons un degré de plus et interrogeons la flore aquitanienne de Manosque : ici, la végétation a décidément changé d’aspect, et la substitution des formes nouvelles à celles qui occupaient auparavant le sol est en grande partie réalisée. Les palmiers se retirent décidément ; il a fallu de longues recherches avant d’en rencontrer à Manosque quelques vestiges. Les conifères, amis de la fraîcheur, cyprès chauves et séquoias, ont relégué au second plan les thuyas africains, dont les débris deviennent rares. Les aunes, les charmes, les érables abondent ; enfin, il se joint à eux un hêtre et un peuplier véritables. Pourtant les lauriers et les camphriers forment encore, comme dans les temps antérieurs, la masse