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plus des groupes alors assez peu écartés. Cette évolution, la dernière de celles que la nature vivante a dû accomplir, il a été donné à la paléontologie d’en suivre la marche, échelon par échelon, et d’en retrouver les termes partiels. Les modifications anatomiques que le savant observe sont tellement graduelles qu’elles donnent lieu à d’étroits enchaînemens et ces enchaînemens à des séries qui mènent du point de départ, plus ou moins reculé dans le passé, au point d’arrivée toujours variable selon les groupes que l’on considère. C’est ainsi que se constituent des catégories, ordres ou familles, et que chacune d’elles, subdivisée à son tour, aboutit plus tôt ou plus tard à l’un de ces plans de structure spéciaux qui répondent à ce que nous nommons des genres. Ceux-ci se trouvent limités à une durée plus ou moins longue, soit qu’ils aient acquis un degré de fixité désormais invariable, soit que l’avenir les réserve à de nouveaux changemens.

Le monde végétal, plus avancé que celui des mammifères ; avait accompli, bien avant ce dernier, le cycle de son évolution. Les combinaisons organiques d’où sont sortis la plupart des groupes qu’il comprend et, dans l’intérieur de ces groupes, les genres principaux, présentaient déjà les caractères qui les distinguent et qui, depuis, n’ont varié que d’une façon tout à fait secondaire. Le monde végétal a cependant changé d’âge en âge et, dans une région déterminée, telle que l’ancienne Provence, il n’a cessé, à partir du temps auquel nous nous plaçons, de se modifier graduellement. Les couches lacustres, explorées à ce point de vue à divers niveaux successifs, offrent le tableau complet de ces changemens et l’on peut dire qu’aucune période ne s’est trouvée plus riche en empreintes végétales que celle qui sépare le dépôt des gypses d’Aix de l’invasion de la mer molassique. Mais les changemens éprouvés par la végétation, dans cet intervalle, de même que ceux qui suivirent, consistèrent presque uniquement dans des éliminations et des substitutions. Les formes d’abord en possession du sol déclinent et font place à d’autres d’un caractère différent, et celles-ci, au début peu nombreuses, se multiplient peu à peu et finissent par exclure les précédentes, en réalisant à la longue le renouvellement entier de l’ensemble. — En résumé, la flore provençale, sous l’impulsion qui l’entraîne, tend à perdre son caractère tropical et avec lui le faciès grêle, la consistance coriace, indices de l’adaptation primitive de ses plantes à un climat chaud et à saisons extrêmes. Elle acquiert, au contraire, de nouvelles formes, auparavant inconnues ou très rares, plus amies de la fraîcheur, plus amples de feuillage, plus rapprochées de celles qui habitent sous nos yeux les parties boréales de notre hémisphère. Enfin, les essences a feuilles caduques qui trahissent l’influence d’une saison froide au moins relative,