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pour notre génération les jours de bombance que beaucoup de pays lui promettent à la fois et qu’aucun n’a pu- assurer encore qu’à ses habitans.

Aujourd’hui que les conditions du travail agricole sont dans le monde entier transformées, toutes les lois de la production se résument, de plus en plus, dans une question de transports. Les marchés de consommation ont été rapprochés des pays neufs, qui peuvent y tenter l’écoulement de leurs produits et développer d’autant leurs cultures, là où île soleil et l’espace abondent. La science des agriculteurs européens pourra-t-elle du moins se réserver un domaine et l’exploiter en toute sécurité ?

L’éleveur, dans un temps plus ou moins rapproché, sera-t-il, lui aussi, expulsé du marché qu’il approvisionne encore ? Les transports seront-ils un aide aussi puissant pour ses concurrens exotiques que pour l’agriculteur transocéanique ? La science des éleveurs européens, les élémens et les capitaux dont ils disposent, les défendront-ils contre le pasteur des terres vierges qui erre en primitif dans l’immensité des prairies baignées de soleil ?


I

En entreprenant cette étude, nous ne croyons pas trop exiger de nos lecteurs, à cette époque où la géographie est de mode, en leur demandant de mettre sous leurs yeux pour un instant un planisphère ; ils suivront ainsi avec plus de facilité notre démonstration. Examinons-le ; rendons-nous compte de la différence des latitudes et de la fécondité des pays que chacune embrasse.

L’hémisphère nord et l’hémisphère sud, séparés par la ligne idéale de l’équateur, subissent des saisons et des climats identiques que l’on peut classer dans quatre zones : les zones torride, chaude, tempérée et glaciale. Ce n’est pas par hasard que la population humaine s’est répandue et développée dans l’hémisphère nord, prenant à peine souci de l’hémisphère sud. Si la civilisation, née sur les plateaux de l’Asie, a émigré peu à peu vers l’occident de l’Europe, pour de là atteindre, dans les temps modernes, 3 l’occident transocéanique du Nouveau-Monde, c’est qu’elle trouvait devant elle des terres immenses se déroulant sous la zone d’élection qui comprend le centre de l’Europe, celui de l’Asie, et la région où la république des États-Unis occupe un sol suffisant à ses, 50 millions d’habitans actuels, aux 200 millions qu’elle aura dans un siècle.

L’hémisphère sud n’a pas été aussi richement doté de terres habitables. Le continent sud-américain, l’Afrique et l’Australie développent sous la zone torride leurs surfaces les plus importantes, et tous trois s’amincissent brusquement en entrant dans les zones