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exigeront de grands frais et du temps ; il lui faut améliorer à la fois ses troupeaux par le croisement et ses pâturages par l’agriculture. On peut espérer que, le branle étant donné, quelques années suffiront pour que de nombreux éleveurs puissent offrir à l’exportation un bétail de choix- en toutes saisons. Déjà l’Australie entraîne à sa suite dans cette voie l’éleveur pampéen, tous deux se rencontrent déjà d’une façon régulière sur les marchés anglais.

A combien s’élève leur importation ? L’Australie livre chaque semaine environ quinze mille moutons à Londres et autant à Liverpool. Cela fait un total de 450 tonnes d’arrivages hebdomadaires pour chaque destination et d’un million et demi de moutons annuels pour toute l’Angleterre. Ce sont des quantités aussi insignifiantes pour le pays qui possède les troupeaux dont nous avons donné le chiffre qu’elles le sont pour la consommation anglaise : c’est, en effet, un appoint de 45,000 tonnes pour un pays qui est en déficit annuel de 500,000 tonnes de viande.

Cependant la vente de ce produit exotique nouveau, quelque minime que soit la quantité importée, est assez lente encore pour que les arrivages de la Plata, qui ne s’élèvent guère jusqu’à présent, par mois, à plus de vingt mille moutons de 50 livres environ, encombrent quelquefois le marché et soient d’un écoulement difficile. Le public anglais ne s’habitue que lentement, à consommer cette viande, malgré le prix de 4 deniers 1/2, soit 0 fr. 45 la livre, auquel on le lui vend au lieu de 6 que vaut couramment la viande anglaise. Ce commerce a devant lui un vaste champ, cela n’est pas douteux ; il ne l’est pas moins qu’il sera lent à le conquérir. Ce n’est pas chose simple que de combattre la routine à la fois dans les deux hémisphères, ce ne l’est pas moins d’immobiliser dans une entreprise à résultat éloigné les capitaux considérables que celle-ci exige. Nous croyons, jusqu’à preuve du contraire, que la France ne se hâte pas de nous donner, que l’Angleterre seule est capable de le faire. Déjà les compagnies d’assurances anglaises, en couvrant, moyennant une prime de 5 pour 100, les risques de bonne arrivée de la viande fraîche, ont donné à ce commerce ses grandes lettres de naturalisation ; en même temps, les docks à congélation se construisent sur les bords de la Tamise, à côté des élévateurs à grains.

On peut dresser d’avance le devis de toutes les parties diverses de cette opération compliquée : les machines à congeler 250 tonnes coûtent à Londres 1,800 livres, les chaudières 200 livres ; en y ajoutant les frais de transport, on sait que ces machines coûteront 76 ; 000 francs, rendues en rade de Sydney ou de Buenos-Aires, et que, montées, mises en place sous les hangars ad hoc, elles reviendront à 100,000 francs, congelant 3,000 tonnes de viande