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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Chamillac, comédie en 5 actes, de M. Octave Feuillet.

Le 1er mars 1849, en même temps que les vers d’Alfred de Musset « sur trois marches de marbre rose, » la Revue des Deux Mondes publiait une comédie d’un jeune homme qui, depuis, lui a marqué son attachement et qui, dans ces derniers mois, lui a donné la Morte : à trente-sept ans de distance, Chamillac, représenté, le 9 avril 1886, à la Comédie-Française, est un écho de Rédemption.

C’est que M. Octave Feuillet n’est pas seulement fidèle à ses amis, mais d’abord à son génie propre. Son talent, selon les saisons, a pu varier ses moyens de culture ; son âme, dont toute son œuvre est le fruit, n’a pas changé : sans découragement, malgré certaines modes ennemies, elle s’est montrée toujours, elle se montre encore, et dans le livre et sur la scène, éprise des idées, et, qui plus est, des mêmes.

L’idée qui soutient et anime Chamillac, aussi bien que Rédemption, est haute et généreuse ; elle étend, d’ailleurs, ses bienfaits aujourd’hui plus largement que naguère ; elle revient parmi nous pour la pécheresse, mais aussi et surtout pour le pécheur. La femme n’est pas absente de ce drame, mais l’homme en est le héros : comme elle, dans l’ordre diffèrent où son honneur est placé, il a failli ; comme elle, il rachète sa faute. L’un et l’autre, après s’être damné socialement, fait son salut en ce monde ; et chacun par la voie qui lui est le plus convenable : la femme, destinée à la vie privée, se sauve par l’amour ; et l’homme, à qui la vie publique est ouverte, par la charité.

D’autre part, le milieu où cette idée se manifeste est nouveau. Rédemption, d’après un avis placé en tête de l’ouvrage, se passait à Vienne et de nos jours ; mais, tout de bon, le lieu de cette fable était plutôt le royaume de la fantaisie ou, du moins, la capitale d’une Autriche où les costumes de Barberine eussent été plus séans que nos modernes