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n’est-ce pas, qui a fait le soleil ? » Et voilà, soudain, la grande, l’éternelle question du pourquoi des choses, de la cause première qui se pose devant notre professeur de morale indépendante ! Voilà. notre homme obligé de s’expliquer, de prendre parti, car s’il se dérobe aujourd’hui, il sera repris demain par l’histoire ou par la géographie, si ce n’est plus cette fois par le soleil. Aucun moyen d’éluder le problème. Il faut bien le trancher d’une manière ou de l’autre ; et dès lors que devient votre neutralité ? Une hypocrisie comme le reste. Vous êtes neutres à peu près comme vous étiez libéraux, quand vous frappiez les jésuites, et comme vous êtes concordataires, quand vous accumulez contre la religion et contre le clergé toutes les vexations que le concordat, précisément, avait eu pour but de faire cesser. Vous feignez de croire et vous essayez de nous persuader que la foi de nos enfans ne sera pas en péril dans vos écoles. Au fond, cela vous est bien égal ; un peu plus tôt, un peu plus tard ; à l’école, ou au collège ? Ce qui vous importe, ce n’est pas défaire des chrétiens au sens le plus large du mot comme en formait autrefois l’Université ; ce n’est pas d’entourer les jeunes générations de cette atmosphère d’idées et de sentimens élevés où l’ancienne pédagogie les retenait le plus longtemps possible. Vous ne poursuivez qu’un but, vous n’avez qu’une pensée, qui est de prendre l’enfant encore tout chaud de la couvée maternelle pour le refaire à votre image et pour préparer à la libre pensée dans l’avenir un prosélyte de plus. Si bien qu’au lieu d’être l’auxiliaire et le prolongement de la famille, votre éducation laïque n’en est dans la plupart des cas que l’adversaire et la négation.

Pareillement, que dire de l’enseignement civique et que penser de cette invention renouvelée de la révolution ? Le mot avait une signification claire alors ; on n’était civique qu’à la condition d’être du côté du manche : constitutionnel en 1791, girondin en 1792, montagnard et terroriste en 1793, thermidorien en 1794 ; et l’enseignement civique consistait principalement à flatter tour à tour tous les pouvoirs établis. Serait-ce pas. ainsi qu’on l’entendrait encore aujourd’hui ? Le gouvernement s’en est défendu, non sans chaleur, au sénat ; en quoi, sans doute, il était dans son rôle. Mais le moyen de le croire et le moyen de supposer qu’on serait allé chercher dans l’arsenal révolutionnaire cette arme de combat, pour ne s’en point servir !

Sous l’empire, lorsqu’un ministre sorti des rangs de l’université s’avisa d’instituer un cours d’histoire contemporaine, toute la presse opposante se récria. Dieu sait, pourtant, qu’il n’y avait guère à compter sur le corps enseignant d’alors pour célébrer d’une façon indiscrète les mérites du régime existant ! Et d’ailleurs,