dans cette musique frémir des passions humaines et battre un pauvre cœur de femme. Que les jeunes auteurs de Saint-Mégrin se souviennent de cet arioso de la duchesse de Guise. Qu’ils pensent et qu’ils écrivent souvent ainsi ; nous ne saurions leur donner un autre conseil, ni former de meilleur vœu pour leur avenir.
Saint-Mégrin avait été refusé par le directeur de notre Opéra-Comique ; mais le Mari d’un jour et Plutus ont été reçus et montés par lui. Il y a des préférences inexplicables. L’opéra comique de M. Coquard a vécu trois jours ; celui de M. Lecocq n’a pas eu la vie beaucoup plus longue, malgré le nom de son auteur, popularisé par le gros succès de ses petits ouvrages.
Les premières partitions de M. Lecocq : la Fille de Mme Angot, Giroflé-Girofla, la Petite Mariée, et même la Marjolaine, contenaient de fort aimables choses ; le duo du Rossignol (la Petite Mariée) eût charmé les échos de la salle Favart ; le chœur des Pirates (Giroflé-Girofla), ou le chœur des Maris (la Marjolaine), les eût peut-être égayés. Sans posséder la verve entraînante une comique parfois puissant d’Offenbach, M. Lecocq avait jadis quelque gaîté et quelque grâce. S’il eût défendu l’une de la trivialité et l’autre de la sensiblerie, s’il eût affiné sa pensée et son style ; au lieu de les émousser et de les user par des redites vulgaires, il aurait pu devenir un compositeur de demi caractère et prendre son rang entre les maîtres de l’opéra comique relevé et le maître de la bouffonnerie musicale que nous avons nommé plus haut. Malheureusement, Plutus est aussi loin de l’œuvre sérieuse que de la parodie ; aussi intérieur à Philémon et Baucis, cette délicieuse copie, qu’à la Belle Hélène ou à Orphée aux enfers, ces joyeuses caricatures de l’antiquité grecque. Le côté philosophique de la comédie de MM. Millaud et Jollivet ne convient guère au talent très peu abstrait, très peu symbolique de M. Lecocq, fait pour les équivoques malicieuses plutôt que pour les allégories aussi… sérieuses (soyons indulgent), que celle de la Pauvreté. Cette déesse vient faire aux Athéniens une longue homélie ; elle leur vante le renoncement et la misère dans un style musical indigent ; c’est là vraiment prêcher d’exemple. Quant aux parties de Plutus qui voudraient être comiques, elles nous paraissent aussi froides que les autres. Nous ne saurions plus rire longtemps d’une vieille énamourée, fût-elle Grecque, si roux que soit d’ailleurs Bon chignon postiche, et si dégarni que semble son corsage sexagénaire. Heureusement, le rôle de Car ion, l’insensible objet de cette flamme sénile, est joué et chanté remarquablement par un jeune bar}ton, M. Soulacroix, qui déjà nous avait fait grand plaisir dans la reprise du Nouveau Seigneur. Il se sert avec goût d’une voix charmante : c’est un artiste d’avenir, auquel est justement revenu le grand succès de la soirée.
MM. Colonne et Lamoureux ont exécuté les deux œuvres primées