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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/358

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Naissance. Il est même vraisemblable que, durant une si longue période, Jean Poquelin n’avait pas conservé son domicile primitif. En effet, de grands changemens s’étaient produits dans sa situation. Lorsqu’il se marie, en 1621, c’est un petit tapissier, dont le fonds n’est évalué qu’à 2,200 livres ; en 1637, il est riche et tapissier du roi. De plus, il a perdu sa première femme et s’est remarié. Autant de raisons pour faire croire à un déménagement, d’autant plus que Jean Poquelin ne craignait pas ce genre d’ennui : nous lui verrons encore deux autres domiciles que celui de la rue des Étuves. Enfin, c’est rue de la Tonnellerie que la tradition a placé pendant deux siècles la maison natale, et Beffara, qui signala le premier la taxe de 1637, continuait, malgré ce document, à tenir la tradition pour exacte. En attendant que de nouvelles recherches fassent découvrir deux baux, à l’existence desquels Beffara semblait croire[1] et qui trancheraient la question, il y aurait lieu de corriger l’inscription du numéro 96 en y mettant simplement que Molière « a habité » en cet endroit ; pour celle du numéro 31, on pourrait y introduire une formule dubitative. Je m’empresse d’ajouter que je propose ces deux corrections par acquit de conscience et sans le moindre espoir de les voir adoptées. Molière n’est pas un homme politique, et pourtant, sur toutes les questions qui le concernent, les érudits prennent position avec une ténacité farouche. En outre, rien n’a chance de durée comme une erreur gravée en marbre, même en un temps où le marbre et le bronze sont aussi fragiles que le papier.


II

Si Molière n’est point né dans la maison de la rue des Étuves, il suffit qu’il l’ait habitée pour qu’elle mérite l’attention. De celle de la Tonnellerie, démolie vers la fin du dernier siècle, il ne reste rien et l’on ne peut, même par à peu près, se représenter ce qu’elle pouvait être. Celle de la rue des Étuves a disparu aussi, en 1802, mais nous avons sur elle des renseignemens assez nombreux[2].

  1. Lettre du 22 avril 1828, publiéo par M. G. Monval dans le Moliériste d’octobre 1882, avec une discussion très probante sur ce point.
  2. . J.-R. Boulanger, le Pavillon des singes, dans le Moliériste de juillet et octobre 1870. — On peut se faire une idée de la physionomie topographique de ce vieux quartier des Halles, aujourd’hui si profondément modifié, en consultant les feuilles 10, 11, 14, et 15 du beau plan de Paris en perspective, dit plan Turgot, publié par L. Bretez et C. Lucas de 1734 à 1739.