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frais en ont notablement diminué. Le blé, le coton, le café, le fer, la fonte, le cuivre, tous les articles qui se sont avilis offrent la réunion de ces deux conditions. Cette constatation a été tant de fois faite et est devenue si notoire qu’il pourrait sembler presque inutile d’y insister. Néanmoins, comme il se rencontre encore des hommes qui attribuent à la baisse des prix une cause unique, imaginaire, comme l’accroissement de valeur de l’or, il est bon de signaler les causes réelles et palpables pour chacune des principales denrées. Que les approvisionnemens de blé mis à la disposition des nations civilisées se soient prodigieusement accrus depuis moins de vingt ans, c’est un fait que les statisticiens ont aisément mis en lumière. D’après M. Mulhall[1], l’Europe possédait, en 1850, environ 360 millions d’acres de terre en culture, ce qui représentait 148 millions d’hectares environ ; en 1870, l’étendue de ces terres atteignait 440 millions d’acres ou 180 millions d’hectares, et, en 1884, elle allait jusqu’à 482 millions d’acres ou 198 millions d’hectares. A ne considérer que notre petite partie du monde, la surface cultivée s’est ainsi accrue de 34 pour 100 environ en moins de trente-cinq ans. Si l’on ajoute que les procédés de culture se sont eux-mêmes améliorés et que le rendement par chaque unité territoriale est devenu plus élevé, on verra combien l’accroissement de la production agricole en Europe a dépassé dans le dernier quart de siècle l’augmentation de la population. Ce n’est là, cependant, que le moindre des facteurs de la baisse des prix. Le trop plein des contrées neuves qui vient s’ajouter au développement de la production dans le vieux monde rend encore beaucoup plus disproportionné l’écart entre l’essor de la production des denrées végétales et celui de la population. On estime à 55 millions d’acres (22 millions 1/2 d’hectares) la surface cultivée que possédaient les États-Unis en 1850, à 88 millions d’acres (36 millions d’hectares) l’étendue des cultures du même pays en 1870 et enfin à 157 millions d’acres (64 millions 1/2 d’hectares) l’ensemble des terres cultivées de la grande Union américaine en 1884 : en trente-quatre ans, cette étendue a donc presque triplé et dans les quatorze dernières années presque doublé. Les colonies britanniques autres que l’Inde ne sont guère restées en arrière de la grande république nord-américaine. Leur superficie cultivée était évaluée à 12 millions d’acres en 1850, 18 millions en 1870, et 25 en 1884. Contrairement à toutes les prévisions de Malthus, et de Ricardo, le dernier quart de siècle a vu les subsistances, dans l’ensemble du monde civilisé, se développer beaucoup plus, rapidement que la population. Un autre statisticien réputé

  1. Hiztory of prices, p. 79.