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remettre en question en rendant son chef à la révolution déchaînée. Le 22 octobre, Garibaldi, qu’on disait surveillé par sept bâtimens de guerre et gardé à vue par un bataillon d’infanterie, arrivait inopinément à Florence, au siège même du gouvernement ; il haranguait la foule, il lançait par-dessus les Alpes d’injurieuses provocations à la France, il conférait avec les députés de la gauche et partait pour Pérouse, par un train spécial, à la barbe des autorités ; il allait se mettre à la tête de l’invasion qui menaçait Rome et la papauté ; il s’emparait de Monte-Rotondo et faisait trois cents prisonniers. Il était réellement le maître de l’Italie.

Le général Cialdini, qui devait affirmer l’énergie et se mettre à la tête du gouvernement, reculait devant sa tâche ; il annonçait à notre chargé d’affaires qu’il n’avait pu constituer un ministère. Il n’avait trouvé, disait-il, dans le parlement, aucun homme qui voulût assumer la responsabilité de la répression ; tous craignaient que l’arrivée d’une escadre française ne provoquât en Italie un immense soulèvement. Le général Cialdini cédait au découragement, la situation lui paraissait inextricable ; il ne voyait que deux issues : rappeler Rattazzi, marcher avec la révolution et accepter une guerre avec la France, ou s’adresser au général Menabrea et lui confier le soin de la répression, au risque de provoquer la guerre civile. De ces deux partis il préférait le premier : « Mieux vaut, disait-il, être écrasé par l’étranger que de périr par ses propres armes. » Il espérait toutefois, qu’avant d’en arriver à d’aussi douloureuses extrémités, l’empereur trouverait un moyen de concilier les intérêts des deux pays. Mais il fallait se hâter, les esprits se montaient et s’aigrissaient de plus en plus ; il ne voyait de salut que dans une intervention simultanée. Il comptait sur le marquis Pepoli, envoyé en mission à Paris, pour faire comprendre à l’empereur la situation et le ramener à des sentimens concilians. Le général Cialdini reconnaissait d’ailleurs les fautes de M. Rattazzi ; il blâmait sa politique ambiguë, tortueuse, mais il se dérobait, il ne se souciait pas de compromettre son épée. Son refus de présider à la répression que nous promettait le roi, autant que ses explications, causèrent à Paris une pénible impression.

« Nous sommes étonnés, télégraphiait M. de Moustier au baron de La Villestreux, des paroles du général Cialdini. Il n’y a qu’une question : l’Italie a pris envers nous des engagemens solennels ; veut-elle les tenir ? Son honneur et ses intérêts y sont engagés. Ce n’est pas par des hésitations et des ménagemens envers la révolution, mais par des mesures énergiques immédiates, que le gouvernement italien assurera ses bons rapports avec la France et reprendra son prestige. L’empereur écrit dans ce sens au roi. »