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IV. — L’INTERVENTION.

Le gouvernement impérial avait tout fait pour prévenir la crise, pour éclairer le gouvernement italien sur ses intérêts, pour, assurer à une convention qu’il avait provoquée et librement signée sa force et son efficacité. En face des démarches, des conseils, des avertissemens de notre diplomatie, il était impossible de ne pas rendre hommage à la prévoyance et à la loyauté de notre politique. Si on avait un reproche à lui faire, c’était de n’avoir pas formulé dès le début, avec une netteté et une énergie suffisantes, notre résolution bien arrêtée de faire respecter la convention de septembre, même au prix d’une intervention armée. Il est vrai que nos relations avec l’Italie nous commandaient de ménager ses susceptibilités ; en raison même des services que nous lui avions rendus, elle n’écoutait nos observations qu’avec déplaisir ; toute pression de notre part était pour elle une gêne, une atteinte à sa dignité. C’était un sentiment naturel au cœur humain, l’Italie n’y pouvait échapper.

Le gouvernement français, à moins d’une abdication invraisemblable, et sous peine de perdre tout prestige et toute considération en Europe, ne pouvait rester spectateur impassible d’une odieuse agression. Déjà l’on se demandait si c’était la France qui dirigeait l’Italie, ou l’Italie qui entraînait la France, au gré de sa volonté, dans de criminelles aventures. La fatalité nous poussait à nous mettre en antagonisme avec tout un peuple dont l’amitié nous était précieuse, elle nous condamnait à faire violence à nos sentimens et à nos principes, elle nous forçait de rompre avec la seule alliance sur laquelle nous étions en droit de compter ; c’était comme si, pour la seconde fois, nous jetions l’alliée de nos rêves dans les bras de la Prusse.

Et cependant comment détourner le calice ? Rome ne pouvait plus se défendre ; elle nous adressait des appels désespérés. Quelle responsabilité l’empereur eût encourue, quels ressentimens il eût soulevés en France si, ayant une flotte et une armée concentrées à Toulon, il avait permis à Garibaldi de mettre la main sur le pape ! Encore, si spontanément les Romains s’étaient soulevés contre leur gouvernement et prononcés pour l’Italie, la question eût changé de face, notre politique aurait pu invoquer le principe des nationalités et se borner au rôle de conciliateur. Mais, loin d’appeler l’Italie, les populations résistaient à la pression, à la propagande des comités ; elles manifestaient en toute rencontre de la répugnance pour leurs libérateurs. Il ne pouvait donc y avoir ni équivoque ni incertitude : du moment que le gouvernement italien