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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/438

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un ministère. Son avènement était le retour certain aux principes d’ordre et au respect des traités. A peine installé, il prenait les mesures les plus énergiques pour arrêter le mouvement. Les bureaux d’enrôlement étaient fermés, les souscriptions saisies, les volontaires arrêtés, et le roi adressait au pays une proclamation qui ne laissait aucun doute sur l’intention du gouvernement de combattre résolument la révolution. « Le caractère du président du conseil, écrivait M. de La Villestreux, ses antécédens politiques, ses sentimens pour la France, sont, je le crois, un sûr garant des actes qui marqueront son administration. De nombreuses mesures d’ordre et de sécurité publique sont déjà en voie d’exécution. Les bureaux d’enrôlement ont été fermés, le comité central de secours a été supprimé, une instruction judiciaire est ouverte, et les prescriptions les plus sévères ont été adressées aux préfets. »

Ce n’était pas tout de réprimer l’anarchie, il fallait maîtriser le sentiment public et lui faire accepter notre intervention. Les passions étaient excitées, ne se déchaîneraient-elles pas contre le gouvernement à l’apparition des soldats français sur le sol italien ? M. Menabrea appréhendait des manifestations ; il ne voyait de salut, au risque de mécontenter l’empereur, que dans une occupation des points extrêmes des états pontificaux. Ce n’est qu’en donnant une satisfaction à l’amour-propre de l’Italie qu’il espérait rester maître de la situation. Ses prétentions étaient en somme modestes ; il n’aspirait pas à une occupation simultanée des états du saint-siège, il entendait moins encore entraver nos opérations ; il voulait uniquement, en concourant à la répression dans la mesure la plus étroite, ménager l’amour-propre du pays et sauvegarder la dignité du gouvernement[1]. Le roi était à cet égard en parfaite communion de sentiment avec son cabinet ; il n’avait pas caché au colonel Schmitz, dès le lendemain de la chute de M. Rattazzi, que si nous entrions dans les états romains, il y entrerait avec nous.

Le 30 octobre, la Gazette officielle annonçait inopinément que les troupes royales avaient reçu l’ordre de pénétrer dans les états du saint-siège. « Le Moniteur, disait-elle, ayant annoncé que le

  1. Dépêche de M. de La Villestreux. — « M. Menabrea ne se fait pas d’illusions ; il appréhende des manifestations après le débarquement de nos troupes. Il en est si préoccupé, qu’il demande à faire occuper, au moment de notre arrivée, les points extrêmes des états pontificaux qui commandent les routes, nullement en vue d’une occupation simultanée, ni avec la pensée de s’opposer à la mission des troupes françaises, avec lesquelles l’Italie tient à conserver ses rapports de fidèle alliée, mais uniquement pour sauvegarder vis-à-vis du pays sa force et sa dignité et pour coopérer avec la France à la dispersion des bandes. M. Menabrea espère que si l’on était forcé de s’arrêter à ce parti, l’empereur apprécierait les intentions du gouvernement du roi. »