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drapeau français flottait sur les murs de Civita-Vecchia, le gouvernement du roi, suivant les déclarations qu’antérieurement il a faites aux puissances, en vue de cette éventualité, a donné l’ordre à ses troupes de passer les frontières pour occuper quelques points du territoire pontifical[1]. » La presse officieuse annonçait en même temps que le général de La Marmora, qui venait d’être nommé commandant de l’armée d’occupation, serait envoyé en mission à Paris. Il devait fournir des explications à l’empereur.

M. Rattazzi avait refusé d’exécuter la convention de septembre et le général Menabrea la violait ouvertement, sous le prétexte de céder aux exigences de sa politique intérieure. C’était un acte d’audace. La mission du général de La Marmora prouvait qu’on en comprenait la portée. Le cabinet de Florence adressait en même temps une circulaire à ses agens pour justifier sa détermination. Il ne pouvait se faire d’illusion sur l’accueil que ses explications trouveraient à Paris. Jamais la France n’avait entendu partager avec l’Italie le droit de protéger le saint-siège.

Après le divorce éclatant du nouveau ministère avec le parti d’action, la cour des Tuileries ne devait pas s’attendre à une démonstration qui pouvait à la rigueur être interprétée comme un défi[2]. L’irritation ne fit qu’augmenter lorsqu’on apprit que les autorités militaires italiennes provoquaient dans les provinces romaines des plébiscites d’annexion[3].

Les protestations du gouvernement impérial ne se firent pas attendre. M. de Moustier repoussait l’occupation mixte des états de l’église ; il mettait le gouvernement italien en demeure de retirer ses troupes. Si le saint-siège avait voulu se prêter à une intervention italienne, la France aurait en mauvaise grâce

  1. Le général de La Marmora était nommé commandant des troupes italiennes. M. de La Marmora aimait la France, nous étions certains qu’il entretiendrait avec nos généraux les rapports les plus courtois. Aussitôt entré sur le territoire romain, il envoyait en grande hâte un de ses officiers à notre général en chef pour lui faire savoir qu’il désirait éviter tout conflit non-seulement avec l’armée française, mais aussi avec celle du saint-siège, et qu’il se tiendrait strictement sur la défensive.
  2. Dépêche du marquis de Moustier au baron de La Villestreux (1er novembre 1867). — « Ce n’est pas sans une pénible surprise que j’apprends la résolution du ministère italien d’occuper certains points du territoire pontifical. Si restreinte que puisse être l’intervention italienne dans les étala du saint-siège, quelle que soit la promptitude avec laquelle elle cessera et les ménagemens dont on essaiera de l’entourer, le gouvernement français ne saurait, à aucun degré, la couvrir de son assentiment. Si le gouvernement du roi croit devoir attendre de nous une adhésion facile, c’est là une illusion que nous ne devons pas hésiter à dissiper. »
  3. La Gazette officielle protestait contre cette allégation : elle disait que le gouvernement non-seulement n’avait provoqué les plébiscites, mais qu’il les avait désavoués.