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ou laïques, sans s’être purgé par serment du soupçon d’appartenir à quelque congrégation de contrebande.

Ce fut au tour des bons royalistes, des bons catholiques, des bonnes âmes, à prendre le mot dans son sens un peu vulgaire, de jeter feu et flamme, de crier à l’impiété, à la persécution religieuse, à la constitution civile du clergé. Les journaux du parti ne s’y épargnèrent pas ; le pauvre évêque de Beauvais devint une brebis galeuse ; le ministère des cultes ne vit plus trace de l’épiscopat, c’était à qui montrerait du doigt l’apostat.

Voici en quels termes je rendais compte de l’événement, dans une lettre datée du 18 juin, c’est-à-dire du surlendemain.


« Vous verrez aujourd’hui par le journal le grand événement d’hier matin. Les fameuses ordonnances ont paru. La mesure est à peu près aussi efficace qu’on peut l’obtenir dans l’état actuel des choses, elle ne blesse en rien la liberté de conscience; il vaudrait mieux sans doute abolir l’université, rendre la liberté à l’instruction et laisser les évêques élever comme ils l’entendent dans les petits séminaires ; mais aussi longtemps que l’université sera maintenue, ils ne peuvent se plaindre d’y être soumis comme tout le monde ; on va même loin à leur égard, puisqu’on les affranchit du régime universitaire pour les écoles ecclésiastiques proprement dites, mais sans cela, selon toute apparence, il ne se formerait plus de prêtres, et, quelque vicieux que soit un tel ordre de choses, ce serait un grand parti à prendre que de faire main basse sur l’unique moyen actuel de recruter le clergé.

« En tout, il me semble qu’on est content, et qu’on aurait tort de ne l’être pas.

« Le roi, après avoir pris son parti, a montré plus de fermeté qu’on n’avait droit d’en attendre. L’archevêque de Paris est venu le trouver au nom de quatorze évêques réunis à Paris, et lui a présenté une lettre qu’il n’a pas voulu recevoir, disant que quatorze évêques ne constituaient pas le clergé et qu’il n’écouterait pas davantage le clergé lui-même, son parti étant pris. »


On peut voir quel était encore, à cette époque, l’état de mon esprit sur un sujet aussi grave; on verra plus tard ce que m’ont appris depuis l’expérience et la réflexion.

Ces pauvres ordonnances continuèrent, durant toute l’année, à défrayer la polémique des journaux et des chambres. Le débat fut des plus vifs, lorsqu’il s’agit d’obtenir un crédit pour fonder des bourses au profit des établissemens à créer sur nouveaux frais ; le pauvre évêque de Beauvais ne pouvait obtenir le concours de ses confrères en rien qui touchât, de près ou loin, à pareille chose. Un