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il s’agissait surtout de constater s’ils n’étaient pas placés sous la direction de jésuites, au mépris des lois et arrêts qui prohibent, en France, l’existence de cet ordre religieux.

Cette commission, triée sur le volet, composée de neuf membres choisis dans les positions les plus élevées du clergé, de la magistrature et de l’ordre civil, après un travail assidu de plusieurs mois, avait unanimement conclu à la nécessité de faire rentrer les petits séminaires dans les limites de leurs institutions primitives ; mais, tout en reconnaissant que huit de ces établissemens étaient effectivement dirigés par des pères de la société de Jésus, elle avait été d’avis que la tolérance de cette société dans le royaume relevait exclusivement de la police générale de l’état, et que les évêques n’avaient point à s’en enquérir dans la répartition des offices de leurs diocèses.

Il faut avoir vécu à cette époque pour se faire quelque idée de ce qu’excita d’indignation cet aveu naïf à la vérité, mais, au fond, plutôt raisonnable et qui n’apprenait en tout cas rien à personne. Le cri public fut universel, de même le récri chez les moins emportés ; la presse tonna de ses cent bouches ; l’agitation fit rage au dedans comme au dehors des chambres.

Notre ministère, nouveau-venu, timoré, méticuleux et peu solide sur ses jambes, n’était pas de force à braver un pareil orage, supposé même qu’il en eût envie, ce qui est douteux ; et le roi, qui ne se sentait pas encore en mesure de le remplacer, préféra faire mine de courber la tête en vaincu, afin de mieux amasser des charbons sur celles de nous autres libéraux. Bref, le 16 juin, on vit apparaître au Moniteur deux ordonnances, l’une contresignée par l’évêque de Beauvais, ministre des cultes, l’autre par le garde des sceaux, M. Portalis, mais toutes deux approuvées, bel et bien, de la main royale.

La première fixait le nombre des petits séminaires et, dans chaque séminaire, celui des jeunes lévites qu’il pourrait élever ; proportion étroitement gardée aux besoins du culte dans chaque diocèse; point d’externes ; l’habit ecclésiastique au bout de deux ans. C’était enlever aux pères de famille qui se méfiaient, non pas sans quelque raison, comme je l’expliquerai en temps et lieu, de l’enseignement universitaire, tout espoir d’y échapper autrement que par l’éducation domestique.

La seconde soumettait au régime de l’université huit établissemens dirigés par des membres d’une congrégation religieuse non autorisée (lisez par des jésuites), en ajoutant que, à l’avenir, nul ne pourrait être ou demeurer chargé, soit de la direction, soit de l’enseignement dans les établissemens d’éducation, ecclésiastiques