Mais, une fois nommée, restait à savoir ce que ferait cette commission, quelles seraient ses allures ; quels droits, quels pouvoirs elle entendrait s’attribuer ; comment elle s’y prendrait, à défaut de toute législation préexistante, de tout précédent quelconque, pour donner couleur à son mandat et faire semblant de le prendre au sérieux.
Son embarras fut grand à ce sujet, si bien que le lendemain, je crois, de sa première réunion, je vois arriver chez moi Girod (de l’Ain), flanqué de Sébastiani, pour m’engager à leur venir en aide et à leur dresser un plan de conduite sur le modèle d’outre-Manche. Bien plus empêchés furent-ils encore quand je leur expliquai qu’ils n’étaient qu’une commission comme une autre, sans plus ni moins de pouvoirs ; qu’il ne leur appartenait point de s’ériger en juges instructeur, des décerner ni mandats ni citations, d’interroger sous la foi du serment, de s’arroger mainmise sur les papiers d’état ou sur les papiers des particuliers, en un mot, de faire acte juridique ; qu’ils ne pouvaient instruire que sur la commune renommée, recevoir que des déclarations ou des dépositions volontaires ; accuser enfin, s’ils le jugeaient convenable, que devant la chambre des pairs, qui seule avait qualité pour faire acte de juridiction proprement dite. Ils ne voulaient pas m’en croire quand je leur affirmais que la chambre des communes en Angleterre ne revendiquait plus, depuis longues années, le droit d’interroger sous serment.
Cela mettait mes interlocuteurs tout à la fois fort à l’aise et fort en peine : fort à l’aise en ce sens qu’ils étaient maîtres d’agir selon leur bon plaisir, mais aux risques et périls d’être seuls de la partie et de ne trouver personne qui fût tenu d’obtempérer à leurs injonctions ; fort en peine, car c’était sur quelques découvertes qu’ils comptaient pour faire un peu de figure ; ils entendirent quelques témoins de bonne volonté, mais qui n’en savaient pas plus qu’eux ; ils s’adressèrent au gouvernement pour obtenir la communication de certaines pièces : le gouvernement s’excusa poliment ; bref, la pauvre commission ne réussit, après maint et maint effort, qu’à se poser à elle-même diverses questions sans pouvoir réunir dans son propre sein la majorité sur aucune réponse ; elle en vint faire tristement à la chambre une piteuse confidence, en lui demandant d’être départagée ; la chambre ajourna sa propre réponse et la fin de la session tira tout le monde de ce mauvais pas.
Je ne pris, toute réflexion faite, aucune part à la discussion d’une question assez importante et très épineuse, la question de savoir qui aurait le dernier mot de la cour de cassation ou des cours royales lorsqu’il s’élèverait entre elles une contradiction persistante et réitérée sur quelque point de droit ou de forme. La loi proposée par le gouvernement donnait gain de cause aux cours royales, ce qui