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baigneuses. Les jeux charmants et doux de la lumière à travers les feuillages frais, sur les nudités claires, y sont délicatement étudiés. C’est un essai de renouvellement qu’on doit au moins signaler.

Depuis quelques années, on s’est donné beaucoup de peine pour jeter une animation nouvelle dans cet art si intéressant du portrait qui a toujours compté, en France, un grand nombre d’excellens ouvriers. Les portraitistes ne pouvaient rester insensibles à ce grand mouvement de retour vers une observation plus attentive des détails réels et des phénomènes lumineux, qui, déterminé d’abord par notre glorieuse école de paysagistes, est en train d’agiter et de régénérer toutes les variétés de peinture anecdotique, familière, fantaisiste, confondues autrefois sous le nom collectif de peinture de genre, et qui ont en général pour objet la représentation de la vie contemporaine. C’est une tendance déjà très répandue de placer, autant que possible, les personnes vivantes dans leur milieu habituel au lieu d’isoler leur visage ou leur personne sur un fond neutre ou indifférent. Ainsi faisaient volontiers, à l’occasion, Holbein, Rubens et tant d’autres. En vérité, cette manière de faire, qui offre un si beau champ aux développemens pittoresques, est tout à fait raisonnable, à la condition qu’on n’en fasse pas un principe et pourvu qu’on ne l’applique pas à tort et à travers. Autant il peut être utile d’expliquer une physionomie par l’accompagnement choisi de quelques accessoires révélant ses habitudes intellectuelles ou physiques, autant il pourrait être inconvenant de noyer cette physionomie sous l’amas de détails exacts, mais parfaitement insignifians. Le naturalisme, tel que peuvent le pratiquer les portraitistes comme tous les autres peintres, n’est point du tout l’acceptation en bloc de tous les détails qu’offre pêle-mêle la nature, mais seulement le choix intelligent, parmi ces détails, de ceux qui peuvent communiquer plus de clarté, plus d’éclat, plus de force, plus de charme au sujet traité. Le savant le plus populaire de notre pays, M. Pasteur, par exemple, a été représenté au Salon plusieurs fois, notamment par M. Bonnat.et par M. Edelfelt. Le tableau de M. Edelfelt, très vivement brossé, d’une allure tout à fait intime et familière, montre M. Pasteur dans son laboratoire, au milieu des fioles et des éprouvettes, en train d’examiner une pièce anatomique dans un flacon. Rien de plus naturel, rien de plus vivant; c’est exact, c’est amusant, mais, en vérité, le mobilier par le aussi haut que la figure, la physionomie du penseur s’efface au milieu des verreries qui scintillent, et, malgré l’intérêt de curiosité que la postérité attachera certainement au reportage minutieux et ingénieux du peintre suédois, ce n’est pas à lui qu’elle demandera l’image définitive de M. Pasteur. Au contraire, la figure peinte par M. Bonnat