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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/605

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et fausse, pour troubler les valeurs harmoniques de la toile, absorber la physionomie du personnage, lui faire perdre en apparence son équilibre sur sa chaise. La réalité donnait sans doute cette note verte, mais comment un praticien aussi habile que M. Cabanel ne l’a-t-il pas fait disparaître, ou tout au moins atténuée dans la mesure nécessaire? C’est une petite tache dans un chef-d’œuvre, mais comme on regrette de l’y voir ! Il est si doux d’admirer sans restriction !

Les portraits exposés par MM. Élie Delaunay et Jules Lefebvre, moins importans que ceux de M. Cabanel, sont presque aussi remarquables. Nous serions même bien près de déclarer que le Portrait d’une dame un peu mûre, d’aspect peu séduisant, aux yeux verts, vifs et pénétrans, par M. Élie Delaunay, nous paraît le meilleur morceau du Salon. Par la précision rigoureuse du dessin, la souplesse de l’enveloppe colorante, la décision imperturbable de l’exécution dans le principal et dans les accessoires, ce portrait, malgré quelques tendances aux noirs, porte la marque d’un vrai maître. Le Portrait de M. Henri Meilhac, dans une tonalité un peu triste, ne lui est pas de beaucoup inférieur. Quant à M. Jules Lefebvre, dont le talent, fait de patience et de conscience, grandit régulièrement, avec une conviction exemplaire, par la réflexion et par la volonté, il n’était pas encore arrivé à donner à ses portraits, naguère un peu aigres dans leur précision, l’autorité du style qui nous arrête cette fois devant eux : l’un, celui de Mme T***, représente une jeune femme blonde, en noir, debout, d’une distinction un peu triste et d’une simplicité délicieuse ; l’autre, celui de Mme G***, nous montre une dame plus âgée, en robe bleue décolletée, à mi-corps et assise. Ce dernier, mieux placé, qu’on voit plus aisément, montre dans l’analyse résolue de la physionomie, dans l’exécution serrée, libre, savoureuse des carnations et des vêtemens, une sûreté d’œil, d’esprit et de main qui assignent aujourd’hui à M. Jules Lefebvre comme à M. Delaunay un rang hors ligne parmi nos portraitistes. Un portrait qui fait aussi grand bruit, mais dans une tout autre direction, est le Portrait de M. Damoye, par M. Roll. M. Roll, un des chefs les plus vaillans d’une école naturaliste qui se croit intransigeante, possède, en réalité, des qualités de peintre franches et robustes dont on pourrait trouver des exemples classiques. Il ne croit pas suffisamment, à notre gré, à la vertu des dessous étudiés et précis, ni à la nécessité des modelés suivis, mais il fait parfois oublier ces oublis par une verve puissante de brosse et un rendu énergique de la réalité. C’est ce qui lui est arrivé dans le Portrait de M. Damoye, portrait en pied d’un paysagiste, chargé de son bagage, marchant à grands pas dans une rue de la ville. L’allure est très gaie, la tête lumineuse et vivante, en plein air, comme on dit. Mais