chez presque tous les survivans de la génération précédente, beaucoup mieux instruite à ce sujet que la génération actuelle. Celui qui sait faire un tableau et qui sait dessiner a l’avantage de ne rien perdre de ses efforts ; chacun de ses traits porte ; qu’il soit même un coloriste médiocre, sa composition reste intéressante et grandit par la transposition dans le dessin ou la gravure. C’est le cas de MM. Boulanger, Leroux, Gérôme, François Flameng, qui traitent encore avec esprit ou poésie l’anecdote historique dans de petits cadres. Le Maquignon d’esclaves à Rome, par M. Boulanger, nous exhibe, exposés sur une estrade, dans des poses et avec des expressions appropriées, quelques pièces fraîches de marchandise humaine, fillettes résignées ou curieuses, gamins indifférens, une captive désespérée, une négresse effarouchée, un ouvrier silencieux, tandis que, gros et gras, couronné de fleurs, un martinet au bras, les jambes ballantes, le hideux marchand s’empiffre philosophiquement de lupins en attendant l’acheteur. L’étalage offre du choix aux connaisseurs. Les poses, comme les expressions, sont variées par un dessinateur attentif et précis, avec une habileté du meilleur aloi. L’art de grouper ensemble plusieurs figures est aujourd’hui si négligé qu’un tableau comme celui de M. Boulanger devient au Salon un exemple nécessaire. Il faut reconnaître un mérite de même nature, avec moins de fermeté et plus de brillant, chez M. François Flameng, qui, dans son Feu de fusil à Dieppe en 1795, fait mouvoir, dans une belle lumière, de jolies figures lestement dessinées et restituées avec autant d’esprit que d’exactitude. Le Bain, qui réunit, dans un coin du parc de Versailles, au XVIIIe siècle, dans des attitudes séduisantes et des costumes de fantaisie parfois succincts, un essaim assez folâtre de jeunes Parisiennes, pour être un peu moins franc, n’est guère moins habile. Les titres ingénieux ou mystérieux que M. Gérôme donne à ses tableaux contribuent presque autant à leur succès que le soin rigoureux avec lequel il les dessine et les achève. Son Œdipe n’a rien de grec ; c’est Bonaparte, le jeune Bonaparte, à cheval, arrêté dans les sables d’Egypte; le sphinx qui l’interroge, c’est le sphinx colossal, à tête camuse, à moitié enfoui près des pyramides. Le monstre cinq fois millénaire et le futur Napoléon se regardent fixement ; ce muet colloque nous inquiète et nous émeut. Le sujet serait bon pour la littérature comme pour la peinture. Le Premier Baiser du soleil sur les grandes pyramides de Giseh, un tableau voisin, montre M. Gérôme plus exclusivement préoccupé du paysage oriental; il est alors aussi précis dans l’analyse de la lumière que dans la détermination des formes solides. Il y a moins de résolution et plus de vague, moins de netteté et plus de charme dans les deux petites compositions antiques de
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