d’ordre national par la prédominance au congrès de l’élément démocratique après quinze années d’omnipotence du parti républicain, elle a conquis sa place dans les programmes électoraux, servi de thème aux déclamations violentes de légions de politiciens. Elle a été le cri populaire dans maintes élections d’états. Comme la question du tarif et celle de la réforme administrative, elle surgit au sein de toutes les conventions nationales. Elle a forcé les candidats présidentiels à se décider entre le métal jaune et le métal blanc. Arrivée aujourd’hui à un état aigu, elle divise en deux fractions à peu près égales la chambre des représentans à Washington; elle met aux prises le président des États-Unis avec la majorité du parti qui l’a porté au pouvoir. Elle ne s’adresse pas seulement aux intérêts, mais aussi aux sentimens et aux passions populaires. Elle est la plus sérieuse affaire que le quarante-neuvième congrès ait eu à résoudre dans sa première session, commencée en décembre 1885.
Il s’agit cependant tout simplement de savoir si le gouvernement fédéral devra ou ne devra pas continuer à dépenser tous les ans environ cent millions de francs en achats de lingots d’argent dont il fabrique des monnaies valant nominalement 25 pour 100 de plus, soit un total de 125 millions de francs, magnifique opération pour le trésor, si le public américain voulait se résigner à se servir de la monnaie d’argent, et-si la plus grande partie du stock monnayé n’était pas restée jusqu’ici dans les mains du gouvernement, qui ne sait qu’en faire et adjure le congrès de voter une loi afin que ce monnayage à jet continu soit enfin suspendu.
En Europe, on attend avec curiosité la décision du congrès. Si le monnayage de l’argent est suspendu, toute la quantité de métal en barres que le gouvernement fédéral est obligé d’acheter chaque année en vertu de la loi du Silver Bland bill de février 1878, et qu’il achète naturellement aux propriétaires des mines d’argent du Far-West américain, viendra s’offrir en vente sur le marché de Londres et y fera baisser d’autant les prix de cette marchandise déjà si dépréciée. Comme il arrive souvent en matière financière, la spéculation n’a pas attendu que la cause se produisît pour produire elle- même l’effet. En prévision du rappel de la loi Bland, qui n’est pas encore rappelée et ne le sera probablement pas, le prix de l’argent a brusquement baissé à Londres l’année dernière. Il dépend dans une large mesure de l’action du congrès des États-Unis que cette dépréciation s’atténue ou s’accentue. Quant aux motifs qui peuvent déterminer à Washington un vote dans un sens ou dans l’autre, ils sont étrangers aux préoccupations européennes et se relient si intimement à l’histoire politique des douze dernières années de l’Union que l’on ne saurait donner une idée un peu précise des divers élémens