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La Fayette. Il savait que la dauphine était attendue. Ayant reconnu l’officier assis sur le siège, il fit arrêter, mit pied à terre, raconta à la princesse ce qui lui était arrivé, la prévint de l’impossibilité où elle serait de gagner Saint-Cloud en passant sous les murs de Paris, et se mit à sa disposition pour tous les services qu’il pourrait lui rendre.

La dauphine aimait le duc de Chartres : elle le remercia avec effusion. — Et vous, lui dit-elle, où allez-vous?

— A Joigny, où est mon régiment.

— C’est bien, dit la dauphine; conservez-nous-le.

Elle passa à Fontainebleau une partie de la journée du 31, en partit à neuf heures du soir sous un déguisement. Informée, a la Croix-de-Berny, de l’abandon de Saint-Cloud, elle tourna Paris, traversa Versailles costumée en paysanne et dans une des petites voitures publiques qui desservaient les environs, traversa les bandes d’insurgés et atteignit enfin Rambouillet en compagnie du dauphin, qui, averti, était venu au-devant d’elle. Le roi s’avança jusqu’au perron pour la recevoir, elle se jeta dans ses bras :

— Ah! mon père, s’écria-t-elle, mon père, qu’avez-vous fait? Du moins, ajouta-t-elle, nous ne nous séparerons plus.

Trouva-t-elle encore le roi attendant la réponse de M. le duc d’Orléans, ou déjà instruit de son relus? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est qu’entrant vers huit heures, ainsi que je viens de le dire, dans le cabinet de M. le duc d’Orléans, je le trouvai tenant cette affaire pour réglée. M. Dupin et le général Sébastiani étaient présens et m’avaient devancé ; il nous raconta fort en détail l’entrevue de M. de Berthois et de M. de Girardin, et nous prit à témoin de l’impossibilité où il était de changer de rôle et de visée.

Cela n’était que trop clair, et ce qui ne l’était pas moins, c’était la nécessité de mettre la main à l’œuvre et de faire acte de gouvernement.

Il fut procédé, sur-le-champ, par ordonnances envoyées successivement au Moniteur, M. Dupin tenant la plume et minutant : 1° à la substitution officielle du drapeau tricolore au drapeau blanc ; 2° à la convocation des deux chambres pour le surlendemain, 3 août ; 3° à la formation d’un ministère, bien entendu d’un ministère provisoire. Furent nommés commissaires : à la justice, M. Dupont (de l’Eure) ; à la guerre, le général Gérard ; à l’intérieur, M. Guizot; aux finances, le baron Louis, et le lendemain, aux affaires étrangères, le maréchal Jourdan ; à la marine, M. Tumisier (premier chef de division) ; à l’instruction publique, M. Bignon. M. Alexandre de Laborde fut maintenu à la préfecture de Paris, et M. Girod (de l’Ain), remplaça M. Bavoux à la préfecture de police.

Le premier et salutaire effet de ces nominations fut de déterminer