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signalé ici même certain Mariage de Corneille, publié en 1884 ; comme M. Pontsevrez, ils ont supposé, en faveur du poète, une lettre de son protecteur. Le premier en date de ces à-propos était peut-être le plus corsé ; il avait l’avantage de placer ingénieusement Corneille dans une de ces conjonctures où lui-même place volontiers ses héros : il lui donnait une occasion de délibérer sur le sacrifice de sa passion. Mais, dans le plus récent, l’aspect de la fable est renouvelé par une spirituelle hypothèse, qui détermine même la disposition de toute l’intrigue : si Lampérière veut d’abord éconduire Corneille, c’est parce que le cardinal vient de blâmer son dernier ouvrage, — ce qui permet à ce père prudent de faire à sa fille cette réponse, plaisamment ironique en sa simplicité : « Vous n’épouserez pas l’auteur du Cid ! » Survient Rotrou, porteur du message, qui invite le lieutenant-général à résigner ses fonctions ou à se résigner à cette alliance : revirement, pleurs de joie, couronnement du buste et stances prophétiques !

M. Emile Blémont a pris plus de libertés contre l’usage. Il a voulu qu’après le Cid, parmi les personnages en costume, une jeune femme, une Parisienne, s’avançât, « vêtue à la mode du dernier printemps, » pour présenter au vieux poète, en un discours familier qui se relève par endroits jusqu’à l’éloquence, l’hommage des Françaises. A la vérité, c’est surtout l’éloge des Françaises elles-mêmes que fait ce joli orateur de la troupe, et l’on ne voit pas toujours par où sa conférence peut se rattacher à Corneille, sinon par le caractère de Pauline. Mais cette fantaisie n’en est que plus originale; et comme, entre une tirade à la mode contre le pessimisme et l’ordinaire morceau patriotique, les définitions précises et justes, les vers d’une figure nette et d’un tour agile ne manquent pas, comme d’ailleurs Mlle Bartet a dit ce poème avec la grâce émue, avec l’esprit et les nerfs qu’il méritait, on n’a pas marchandé les bravos à M. Blémont.


LOUIS GANDERAX.